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OLJ / Par Maroun ABOU-KHEIR, le 17 janvier 2023 à 00h00
Nietzsche a raison. Puisqu’on a « la philosophie de sa personne », le corps joue un rôle décisif dans la construction de soi et mérite toute notre attention. Envisager le corps reflète fidèlement l’expérience quotidienne : un obstacle se présente-t-il et le corps se montre aussitôt oppressant et massif. C’est que la souffrance qui dévoile nos limites place au cœur de notre quête le corps, compagnon noble qui cependant ne nous est pas toujours apparu comme tel.
Il s’impose en force : siège de la douleur, dispensateur du plaisir, fondement de l’être, le corps constitue une véritable conquête. L’apprivoiser, l’habiter peut-être, voilà encore une tâche impartie à l’apprenti qui se lance dans l’exercice du métier d’homme.
En naissant, chaque être humain hérite d’un corps, dirait La Palice. À de rares exceptions, tout le monde a deux mains, une bouche et deux oreilles… Mais précisément, c’est le corps qui fait aussi de chacun un être unique. Nul ne me ressemble, nul ne vit mon existence.
Au fond du lit, des yeux humides fixent le plafond, le visage moite et grossi émerge des draps blancs. Une main raide reste parfaitement immobile pour ne pas entraver l’œuvre dérisoire du goutte-à-goutte. Dans la salle froide, au milieu des malades, je perçois le caractère sacré de l’être humain, du corps qui le constitue. Le corps à l’agonie que la vie déserte par petites étapes sournoises nous installe dans un sentiment étrange de respect.
Malgré la fragilité de l’existence, malgré notre corps tôt ou tard voué à un sort semblable, nous sentons naître une joie discrète. Nous, nous vivons et nous pouvons encore lutter envers et contre tout. La chair qui vit ses dernières heures, les yeux bien-aimés qui vont bientôt se clore, l’espèce de sourire qui erre sur un visage déjà abandonné de toute force, nous apprennent le respect. Le corps ne se réduit pas à un objet. Le sourire arraché au prix de grands efforts provient d’un cœur déjà lointain qui jadis a accompagné nos peines et nos joies. Le malade qui marche trop tôt vers la mort nous lègue en héritage une redoutable exigence : jouir de notre corps.
Comme le prétend l’historien Antoine Prost : « Avoir honte de son corps, serait avoir honte de soi-même. » Mais qui côtoie les corps blessés pressent que l’être humain est son corps, mais que son corps est autre chose que lui.
Non, l’amas de chair nauséabond, les membres raides et immobiles, ne résument pas le malade. Non, l’individu ne se réduit pas à la somme de ses actes. Juger, sans autre forme de procès, seulement à l’aune de l’efficacité immédiate, ravale la plupart des êtres faibles au rang de bons à rien.
La honte qui entoure le corps malade échappe d’ailleurs bien souvent à celui qui est bien forcé d’en jouir. Or, dans cet univers particulier, chacun de ces corps meurtris révèle une originalité. Curieusement, leur caractère unique convie encore au respect car chaque corps, aussi défectueux soit-il, appartient à une conscience toujours en lutte, toujours dirigée vers le progrès, à une source où puiser de la force pour mener à bien un combat joyeux.
L’attention au corps ne saurait cependant se réduire à une esthétique du paraître, à une technique autosuggestive vivant à se sentir bien dans sa peau. De telles expressions épidermiques nous donnent de l’urticaire. Trop souvent elles supposent, en effet, un rapport au corps qui tend à le faire entrer dans un moule, oblige à effacer les points sombres, à gommer les différences.
Notre manière d’être, nos opinions ne prennent-elles pas naissance dans les replis de notre chair ? Le corps influe sur notre vision du monde. On pense toujours avec un vécu, avec son histoire. Même la personnalité la plus éthérée plonge d’obscures racines dans l’expérience d’un corps, d’une chair. Angoisses, peurs, désirs, convictions, s’enracinent au plus profond de l’être et prennent naissance dans le corps, qui garde mémoire de tout.
Soyons modestes, restons simplement à poursuivre le long travail qui fait du corps un allié fidèle, un ouvrier qui œuvre à notre bonheur.
Par une curieuse alchimie, même un corps malade parvient à produire des idées limpides et à développer un état d’esprit libre de tout ressentiment. Il peut ainsi dépasser la révolte et exercer une liberté qui risque de lui permettre d’assumer jusqu’au bout sa précarité. La liberté à l’œuvre participe de la lutte, d’une acceptation chèrement conquise, sorte de « dire oui » joyeux. Conscient de la difficulté du combat, chacun cherche ses armes. La plus belle consiste sans doute à rire de soi, à ne pas prêter le flanc au mépris de sa faiblesse.
Qu’on profite du corps capable d’exprimer ce qu’aucune parole ne dit jamais.
Comme l’esprit, le corps travaille à la grandeur de l’homme !
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