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Chronologie du droit de grève en France de 1791 à nos jours – Vie publique.fr

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La grève est la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles. C'est un droit à valeur constitutionnelle. Vie-publique.fr en retrace l'histoire, en France, de 1791 à nos jours.
Par  La Rédaction

Temps de lecture  17 minutes
Conquis à la fin du XIXe siècle, le droit de grève est inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946. Cependant, deux principes contrebalancent ce droit : celui de la continuité du service public et celui de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens. C’est ainsi que le législateur est intervenu pour interdire le droit de grève à certaines catégories de fonctionnaires, pour le restreindre avec l’instauration d’un service minimum dans certains secteurs ou pour imposer une procédure préalable à son exercice dans le secteur public.
Grève et cessation du travail
Les dates indiquées dans cette chronologie répondent à la définition de la grève donnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 2 février 2006 : “La cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l’employeur des revendications professionnelles.
Ainsi, les manifestations et mouvements sociaux exercés en dehors de ce contexte et parfois qualifiés de “grèves” (manifestations étudiantes, Nuit debout, Gilets jaunes…) ne sont pas mentionnés, sauf en cas de jonction des luttes, comme en mai 1968.
22 mai et 14 juin 1791
Les lois dites “Le Chapelier” interdisent les coalitions de métiers et les grèves.
22 février 1810
Promulgation du code pénal de Napoléon Ier qui soumet à l’agrément du gouvernement toute association de plus de 20 personnes et réprime très sévèrement toute coalition ouvrière tendant à la cessation du travail ou à la modification des salaires.
22 novembre 1831
La révolte des canuts lyonnais, ouvriers de la soie, débute comme une grève destinée à faire respecter l’application d’un accord collectif sur les prix de façon. Elle se transforme en révolte armée aux cris de : “Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant“. Elle est durement réprimée par l’armée.
15 mars 1949
Loi contre les coalitions ouvrières et patronales.
27 novembre 1849
Loi rappelant l’interdiction des grèves et modifiant les articles 414 à 416 du code pénal.
25 mai 1864
Loi dite “Ollivier” supprimant le délit de coalition et reconnaissant le droit de grève.
Février 1884
Début de la grève des mineurs de la compagnie des mines d’Anzin. L’une des conséquences sera la promulgation, le 21 mars 1884, de la loi Waldeck-Rousseau instaurant la liberté syndicale. De toléré, le syndicalisme devient légal en France. Mais l’article 3 de la loi maintient les fonctionnaires en dehors du droit syndical. 
27 décembre 1892
Loi sur la conciliation et l’arbitrage facultatif en matière de différends collectifs entre patrons et ouvriers ou employés. Tentative de mettre sur pied des procédures de règlement pacifique des conflits collectifs du travail.
1895
Création de la Confédération générale des travailleurs (CGT).
13 octobre 1906
La charte d’Amiens, texte de référence dans le syndicalisme français, est adoptée par le IXe congrès de la CGT. Elle “préconise comme moyen d’action la grève générale“.
2 mai 1908
Les ouvriers des Sablières de la Seine débutent une grève afin de revendiquer une augmentation salariale et un contrat collectif applicable à tous les chantiers. Georges Clemenceau, alors ministre de l’intérieur et président du conseil, fait durement réprimer la grève à Draveil et Villeneuve-Saint-Georges. Il y a des morts et des blessés.
1909
Première grève d’agents publics aux Postes, télégraphes et téléphones (PTT) contre une réforme des conditions d’avancement.
11-18 octobre 1910
Première grève générale des cheminots.
1917
Grandes grèves et création des délégués d’atelier dans les usines de guerre.
28 juin 1919
Signature du traité de Versailles. Ce traité de paix entérine la création de l’Organisation internationale du travail (OIT) et crée la notion de syndicat représentatif.
1er novembre 1919
Création de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).
1936
Le chômage et la crise économique conduisent au premier mouvement de grève généralisé en France, après la victoire du Front populaire. Au plus fort du mouvement, il y a près de 2 millions de grévistes.
31 décembre 1936
Loi sur les procédures de conciliation et d’arbitrage. Le texte spécifie que dans l’industrie et le commerce tous les conflits collectifs du travail sont soumis aux procédures de conciliation et d’arbitrage avant toute grève et tout lock-out.
4 octobre 1941
La loi relative à l’organisation sociale des professions, dite “charte du travail”, promulguée par le régime de Vichy, interdit la grève et dissout les syndicats.
27 juillet 1944
Une ordonnance du Gouvernement provisoire relative au rétablissement de la liberté syndicale annule la charte du travail et ses textes modificatifs, complémentaires et d’application. Le droit de grève est rétabli et les syndicats de nouveau autorisés, sauf la Confédération générale de la production française (CGPF), groupement de fédérations patronales. La Corporation paysanne est dissoute.
1944
Création de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), sous le nom de CGC.
Création de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), renommée Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) en 2016.
1946
Création du Conseil national du patronat français (CNPF), remplacé par le Mouvement des entreprises de France (Medef) en 1998.
27 octobre 1946
Inscription dans le Préambule de la Constitution :
1947
Dans les difficultés de l’après-guerre (pénuries), une grève d’abord partie de Renault se généralise. Un décret du 4 mai 1947 met fin aux fonctions des ministres communistes du gouvernement Ramadier (Maurice Thorez, François Billoux, Ambroise Croizat, Charles Tillon) qui n’ont pas voté la confiance au gouvernement à l’Assemblée nationale tout en en faisant partie.
Création de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO).
1948
Les mineurs sont en grève dans la plupart des régions de France avec des revendications salariales.
1950
Le droit de grève est accordé aux fonctionnaires civils sur le fondement du Préambule de la Constitution de 1946 (arrêt du Conseil d’État du 7 juillet 1950, dit “arrêt Dehaene”). Mais certaines catégories de fonctionnaires sont interdites de grève. Il s’agit des compagnies républicaines de sécurité (CRS) par une loi de 1947, des personnels de police (par une loi de 1948) et des magistrats (en vertu d’une ordonnance de 1958).
11 février 1950
La loi relative aux conventions collectives et aux procédures de règlements et de conflits collectifs du travail réinstaure une conciliation obligatoire et une procédure d’arbitrage facultative (procédure suspendue en 1939). Elle contient une disposition selon laquelle “la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié“.
1953
Durant l’été, grève des fonctionnaires contre un projet visant à reculer l’âge de la retraite. C’est un succès pour les syndicats.
26 juillet 1957
La loi favorisant le règlement des conflits collectifs de travail complète celle du 11 février 1950. La conciliation devient une étape préalable obligatoire. La loi généralise la procédure de médiation.
29 juillet 1961
La loi de finances rectificative du 29 juillet 1961 porte sur les conditions de “service fait” et “non fait” des fonctionnaires et la retenue pour fait de grève appliquée selon la règle du “trentième indivisible” (retenue de 1/30 du salaire mensuel par journée de grève, quelle que soit la durée de l’arrêt de travail au cours de la journée).
1er mars-5 avril 1963
Grève générale des mineurs des Charbonnages de France. Le général de Gaulle fait procéder à des réquisitions de grévistes. À l’issue du conflit, les grévistes obtiennent une augmentation salariale et une quatrième semaine de congés payés.
31 juillet 1963
Loi sur les modalités de la grève dans les services publics prévoyant notamment l’institution d’un préavis syndical de cinq jours avant le déclenchement d’une grève.
1964
Création de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).
Mai 1968
Un mouvement étudiant paralyse les facultés, bientôt rejoint par les ouvriers des usines qui se mettent en grève. La jonction des mouvements étudiant et ouvrier se réalise. Le nombre de grévistes est estimé à 10 millions. Le mouvement a diverses conséquences : les accords de Grenelle (hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti [SMIG] de 35% et des salaires de 10%) et la dissolution de l’Assemblée nationale.
1973
Grève à l’usine de montres Lip, à Besançon, à la suite d’un dépôt de bilan et de la démission du président-directeur général. Les ouvriers fonctionnent en autogestion durant de nombreux mois.
1974
Grève aux PTT pour l’augmentation des salaires et la titularisation des auxiliaires ; contre l’insuffisance des effectifs et une modernisation mal gérée. Le mouvement part d’un centre de tri parisien et s’étend rapidement, jusqu’à paralyser l’économie du pays. Le secrétaire d’État aux PTT, Pierre Lelong, déclare que le travail dans un centre de tri est l’un des “plus idiots qui soient“.
7 août 1974
L’article 26 de la loi relative à la radiodiffusion et à la télévision dispose qu'”en cas de cessation concertée du travail, la continuité des éléments du service nécessaires à l’accomplissement des missions définies à l’article 1er[de la loi] doit être assurée par l’établissement public de diffusion et par les sociétés nationales de programme. Le président de chaque organisme désigne les catégories de personnel ou les agents qui doivent demeurer en fonction“. Un décret pris en application de la loi du 26 juillet 1979 précise l’étendue des missions et la liste des services ou établissements concernés.
1975
Création de l’Union professionnelle artisanale (UPA), devenue l’Union des entreprises de proximité (U2P) en 2016.
1975-1977
Grève de près de 30 mois au quotidien Le Parisien libéré (devenu depuis Le Parisien) contre la fermeture de l’imprimerie et un plan de licenciements afin de réaliser des économies. Les ouvriers du Livre CGT obtiendront une victoire grâce entre autres à des caisses de solidarité (les travailleurs de la Presse et du Livre reversent 10% de leur salaire aux grévistes).
22 juillet 1977
Loi fixant les conditions du service non fait et de retenue de salaire pour les fonctionnaires.
25 juillet 1980
Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires assurant en pratique une continuité de service en cas de grève. La loi oblige les parties intéressées à négocier pendant la durée du préavis.
1982
Grève des travailleurs immigrés dans des usines Citroën (dont Aulnay-sous-Bois), qui réclament de meilleures conditions de vie et de travail. Le conflit s’achève grâce à une médiation.
19 octobre 1982
Loi relative aux retenues pour absence de service fait par les personnels de l’État, des collectivités locales et des services publics, instaurant des retenues proportionnelles au service non fait.
13 novembre 1982
Loi relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail, une des quatre “lois Auroux”.
13 juillet 1983
La loi sur les droits et obligations des fonctionnaires, dite “loi Le Pors”, dispose notamment que “les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent“.
31 décembre 1984
Loi fixant réglementairement un service minimum dans la navigation aérienne. En cas de grève doivent être assurées en toute circonstance :
Le ministre chargé de l’aviation civile désigne les personnels indispensables à l’exécution de ces missions.
30 septembre 1986
Loi relative à la liberté de communication, prévoyant un service minimum limité à la continuité du service pour les personnels des sociétés de programme et l’entreprise Télédiffusion de France (TDF). Il revient au président de chaque société de prendre des mesures pour assurer le service minimum, au besoin en réquisitionnant des personnels.
13 juillet 1987
Loi réintroduisant la règle du trentième indivisible pour la retenue de salaire pour les personnels de l’État, des collectivités locales et des services publics (avec l’amendement Lamassoure). Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 28 juillet, déclare conforme à la Constitution son application aux fonctionnaires de l’État et des établissements publics de l’État à caractère administratif mais contraire à la Constitution son extension à l’ensemble des agents des services publics.
1989
Grève de sept semaines chez Peugeot, avec occupation de la forge. Les ouvriers revendiquent une augmentation salariale. Le conflit se dénoue après une médiation qui débouche sur un accord partiel.
31 décembre 1992
Loi portant réforme du régime pétrolier, dite “loi Billardon”, instituant un comité professionnel chargé de constituer des réserves stratégiques de pétrole. Ces réserves stratégiques seront utilisées par les gouvernements successifs en cas de grèves assorties de blocages de dépôts de carburants et de raffineries (par exemple en 2016 lors des grèves contre la loi Travail).
1995
Grève nationale contre le plan de réforme de la sécurité sociale et des retraites du Premier ministre, Alain Juppé, qui envisage, entre autres, d’unifier les régimes spéciaux de retraite. De nombreuses concessions permettent la fin du mouvement, le plus important depuis Mai 68.
Février 1999
Publication du rapport du sénateur Claude Huriet sur la proposition de loi relative au service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics.
2003
Grèves contre la loi sur la réforme des retraites proposées par François Fillon, ministre des affaires sociales.
30 juillet 2003
Circulaire du 30 juillet 2003 relative à la mise en œuvre des retenues sur la rémunération des agents publics de l’État en cas de grève.
Décembre 2003
Publication d’un rapport d’information déposé par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, sur le service minimum dans les services publics en Europe.
Juillet 2004
Remise au ministre de l’équipement et des transports du rapport “Commission pour la continuité des services publics dans les transports terrestres de voyageurs”. Le rapport propose un nouveau cadre législatif visant à faciliter les négociations avant la grève et à rendre obligatoire l’information individuelle des salariés sur leur intention de faire grève. Il prône aussi l’obligation pour les partenaires de négocier via des accords d’entreprise, de porter la durée du préavis de grève de cinq à dix jours et souhaite que les directions puissent établir des prévisions de trafic “fiables”.
Mars-avril 2006
Des grèves nationales interprofessionnelles visent à soutenir le mouvement étudiant contre le contrat première embauche (CPE), à destination des moins de 26 ans. Elles réunissent plusieurs millions de personnes dans la rue. La loi est promulguée mais le dispositif du CPE est suspendu jusqu’à son remplacement par une nouvelle loi.
31 janvier 2007
Loi de modernisation du dialogue social, instaurant une nouvelle méthode de concertation avec les partenaires sociaux sur les projets de réforme touchant à leur secteur d’action.
21 août 2007
La loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs prévoit qu’un service minimum peut être instauré en cas de grève dans les transports collectifs.
20 août 2008
Loi instituant un droit d’accueil pour les élèves de maternelle et de primaire pendant le temps scolaire prévoyant que, en cas de grève d’au moins 25% des enseignants, les communes doivent mettre en place un dispositif d’accueil des élèves.
Février 2009
Publication du rapport d’information sur “L’évaluation économique et financière des récents mouvements sociaux à la SNCF et l’impact du service minimum” (grèves de décembre 2008 et janvier 2009).
2010
Grèves contre le projet de réforme des retraites. Une polémique sur le nombre de manifestants naît entre syndicats et gouvernement.
19 mars 2012
Loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.
Le texte transpose certaines dispositions prévues pour le transport terrestre par la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
La première disposition impose aux salariés désirant participer à un mouvement de grève de le déclarer au moins 48 heures à l’avance pour chaque jour de grève prévu pour toute la durée du mouvement. L’absence de déclaration peut entraîner des sanctions disciplinaires.
Les employeurs sont de leur côté tenus de faire des prévisions de trafic au moins 24 heures à l’avance.
2016
Mouvements et grèves contre la loi El Khomri, ou “loi Travail”, portée par le gouvernement de Manuel Valls, qui réforme en profondeur le code du travail et s’attaque à la hiérarchie des normes en droit du travail.
2017
Mouvements et grèves contre les “ordonnances Macron”, qui plafonnent les indemnités prud’homales et mettent en place la rupture conventionnelle collective, fusionnent les instances représentatives du personnel dans l’entreprise ou renforcent la négociation collective d’entreprise au détriment des branches.
2018
Grèves à la SNCF contre la fin du statut de cheminot et l’ouverture à la concurrence du ferroviaire.
2019
Grève des urgentistes, notamment pour leurs conditions de travail (services d’urgences saturés, pénurie de personnel…).
6 août 2019
La loi de transformation de la fonction publique encadre le droit de grève dans la fonction publique territoriale. Les autorités territoriales (maire, président de département…) peuvent instaurer un service minimum pour certains services public locaux dans un cadre négocié avec les organisations syndicales.
Décembre 2019-février 2020
Mouvements et grèves contre la réforme des retraites. La réforme est finalement suspendue en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19.
Septembre-octobre 2022
Des grèves dans les raffineries perturbent l’approvisionnement des stations service. Pour limiter la pénurie de carburants, le gouvernement annonce la réquisition de certains personnels.
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