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Par : Kira Taylor | EURACTIV.com | translated by Arthur Riffaud
16-01-2023 (mis à jour: 16-01-2023 )
Frans Timmermans, commissaire européen à l’Action pour le climat, lors de la 13e assemblée de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) qui s’est tenue à Abou Dhabi, le 14 janvier 2023. [European Union, 2023]Langues : English | Deutsch
Bien que le Sultan Ahmed Al Jaber soit le directeur général de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, il est « extrêmement bien placé pour nous mener vers une COP réussie », a déclaré à EURACTIV Frans Timmermans, commissaire européen à l’Action pour le climat.
Au cours d’un entretien exclusif, M. Timmermans a déclaré à EURACTIV qu’il avait eu de nombreuses réunions avec M. Al Jaber et que « le futur président est idéalement placé pour jouer un rôle de premier plan dans cette énorme, énorme transition ».
Les Émirats arabes unis (EAU) accueilleront en fin d’année la COP28 et ont choisi le Sultan Ahmed Al Jaber pour diriger la conférence. M. Al Jaber est le ministre de l’Industrie et des Technologies de pointe du pays. Il est également président de la société Masdar, spécialisée dans les énergies renouvelables (EnR), et PDG de la compagnie nationale Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc).
Ses liens avec l’industrie pétrolière ont conduit les défenseurs de l’environnement à critiquer sa nomination.
Or, « je pense que les gens se concentrent peut-être trop sur son rôle de PDG d’une compagnie pétrolière », a-t-il déclaré lors de l’assemblée de l’Agence internationale pour les EnR (IRENA) à Abou Dhabi.
« Ils devraient [observateurs] s’intéresser à ce qu’il a fait au cours des dernières années. Il a mené l’offensive pour également amener l’industrie pétrolière et gazière vers un monde durable », a-t-il expliqué.
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Mais pour Tracy Carty, experte en politique climatique auprès de Greenpeace International, son organisation reste « profondément alarmée par la nomination du PDG d’une compagnie pétrolière à la tête des négociations mondiales sur le climat ».
« Cela crée un dangereux précédent, mettant en danger la crédibilité des EAU et la confiance qui leur a été accordée par l’ONU au nom des peuples, des générations actuelles et futures. La COP28 doit se conclure par un engagement sans compromis en faveur de l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles : charbon, pétrole et gaz », a-t-elle ajouté.
De son côté, Tasneem Essop, directrice exécutive du Réseau Action Climat International, a déclaré sans ambages que M. Al Jaber devait démissionner de son poste de PDG d’Adnoc. Si ce n’est pas le cas, « cela équivaudra à une prise de contrôle totale des négociations des Nations unies sur le climat par une compagnie pétrolière nationale et les lobbyistes des énergies fossiles qui lui sont associés ».
Comprenant que les défenseurs de l’environnement puissent être décontenancés par ce choix, M. Timmermans leur a toutefois demandé de « prendre le temps de regarder son [Sultan Al Jaber] CV ». Ainsi, « vous verrez que c’est un homme que vous devez prendre au sérieux et qu’il est bien placé pour nous mener vers une COP28 réussie », a-t-il confié.
Le référent européen en veut pour preuve, s’il en est, que la société de développement d’EnR Masdar, dont le Sutlan est président, est l’une de celles qui connaissent la croissance la plus rapide dans le secteur, déjà présente dans 40 pays. En 2021, l’entreprise disposait ainsi d’un portefeuille d’énergies propres de 15 gigawatts (GW).
D’ici 2030, l’entreprise vise à disposer de 100 GW dans son portefeuille et à produire un million de tonnes d’hydrogène vert.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a conclu un accord avec Abou Dhabi sur de nouvelles livraisons de gaz naturel, lors d’une visite dans les pays du Golfe ce week-end. La pression exercée sur lui pour qu’il aborde les questions des droits humains était palpable.
À l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’assemblée de l’IRENA, samedi (14 janvier), M. Al Jaber a déclaré aux délégués qu’il restait beaucoup à faire pour combler l’écart entre les ambitions et la réalité et que, dans cette optique, « aucun secteur n’offre autant de potentiel que les énergies renouvelables ».
« Au cours des sept prochaines années, nous devrons plus que tripler la capacité des énergies renouvelables dans le monde. Le monde doit agir beaucoup, beaucoup plus vite que jamais », a-t-il ajouté.
Dans le cadre de leur présidence de la COP28, les EAU travaillent ainsi « main dans la main » avec l’IRENA et « proposeront des solutions transformatrices reposant sur la science et les faits, appuyées par des politiques et soutenues par les entreprises et l’industrie ».
« En bref, nous ne négligerons aucune piste dans la poursuite de l’objectif d’un progrès climatique inclusif », a ajouté le Sultan.
Pour l’heure, les Émirats arabes unis affichent la quatrième empreinte carbone la plus élevée par habitant au monde, derrière le Qatar, Bahreïn et le Koweït. En 2019, ils étaient le septième plus grand producteur de pétrole au monde, avec des recettes d’exportation dépassant 70 milliards de dollars.
Par ailleurs, Climate Action Tracker classe l’action environnementale du pays comme « très insuffisante », bien que le pays ait profité de la COP27 pour mettre à jour son objectif climatique, dans le respect de l’accord de Paris.
Dans les faits, le pays prévoit également d’augmenter de façon « significative » la production et la consommation d’énergie fossile, « ce qui n’est pas compatible avec la limitation du réchauffement à 1,5 °C », analyse l’organisation.
La communauté internationale est parvenue dimanche (20 novembre), après 37 heures de prolongations, à parachever un accord comptant pour la COP27. Son accueil est plus que mitigé, même si des avancées, comme sur le financement des « pertes et dommages » des pays vulnérables, sont à signaler.
À l’inverse, Achim Steiner, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), est plus optimiste.
« Je dirais à ceux qui critiquent, par exemple, les Émirats arabes unis [d’] étudier l’histoire économique des Émirats au cours des 20 dernières années », a-t-il déclaré.
« Vous serez peut-être surpris de constater que ce qui représentait autrefois littéralement 99 % de l’économie des EAU, a aujourd’hui presque basculé complètement », fait-il remarquer.
M. Timmermans s’est fait l’écho de ces propos en déclarant à EURACTIV que le monde est en train de se détacher de la structure économique et sociale dominée par les combustibles fossiles.
« L’idéal serait que des personnes comme le Sultan Al Jaber puissent entraîner leurs collègues de l’industrie pétrolière et gazière dans la même direction, en comprenant que cette industrie doit également intégrer de nouvelles réalités dans son fonctionnement », a ajouté le commissaire européen.
Pour l’heure, les EAU n’ont pas répondu à la demande de commentaire d’EURACTIV sur les critiques entourant la nomination de M. Al Jaber.
Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu s’est rendu jeudi à Abou Dhabi, où il a rencontré le président des Émirats arabes unis Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, dit MBZ, l’un des principaux alliés de la France dans le Golfe.
[Édité par Paul Messad]
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