Certes, ses grands-parents étaient agriculteurs et lui-même avait entamé des études d’agronomie avant de bifurquer dans la comptabilité. Mais de là à devenir maraîcher bio à 42 ans ! En mars 2018, Thierry Barbet-Massin, qui travaillait à Paris dans le contrôle financier au sein d’une filiale du Crédit agricole depuis dix-huit ans, a décidé d’arrêter les frais. «Je ne savais pas trop quoi faire, mais une chose était sûre: pas question d’attendre la retraite avec un job pesant et sans intérêt.» Pour y voir clair, ce cadre a alors fait appel à une coach spécialiste de la reconversion professionnelle. «Je suis enfin en phase avec moi-même», raconte ce nouvel agriculteur heureux qui est parti s’installer dans l’Orne avec son épouse.
Par les temps qui courent, l’histoire de Thierry Barbet-Massin ne surprendra pas trop. Bien sûr, rassurons la DRH du Crédit agricole et celles des autres grands groupes: tous leurs cadres ne sont pas taraudés par des remises en cause aussi radicales. «Mais ils sont de plus en plus nombreux à se poser des questions sur leur devenir à un moment ou un autre de leur carrière», constate Eric Beaudouin, directeur du cabinet Oasys. Et le récent confinement associé à la menace d’une crise économique aura contribué à accroître ces interrogations. «Sur les cinq premiers mois de l’année, nous avons eu 1 million de visiteurs sur notre site Web, autant que sur l’ensemble de l’année 2018», souligne Anne-Claire Penet, chef de projet du salon spécialisé Nouvelle vie professionnelle, qui a lieu à Paris tous les ans, à l’automne.
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Cette envie de bouger ne sera pas forcément facile à concrétiser. Avant de démarrer, il peut donc être utile de s’entourer. Ce ne sont pas les conseillers qui manquent ! «C’est même devenu un vrai business tant la demande est importante», constate Yves Deloison, expert RH et auteur de «Réussir sa reconversion» (Héliopoles). Pas facile de se retrouver dans ce paysage où le sérieux côtoie le peu crédible. Pour entamer un défrichage, une première piste consistera à s’adresser à des organismes qui ne facturent… rien.
Existant depuis 2015, le conseil en évolution professionnelle (CEP) est un service public qui permet de rencontrer un consultant RH pour faire le point sur sa carrière, clarifier ses motivations et évoquer des évolutions possibles. Pour les cadres, c’est essentiellement l’Apec qui s’en charge. Comme ceux-ci cotisent pour financer ce dispositif, autant ne pas se priver. «Nous les accueillons pour quatre à cinq heures d’entretien durant trois à quatre mois», explique Anne-Catherine Bolla, consultante en Alsace.
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Attention: le passage par le CEP est obligatoire pour ceux qui souhaitent profiter de la récente possibilité de démissionner tout en touchant le chômage en cas de projet de reconversion dûment motivé. A cette étape de la réflexion, on ne négligera pas non plus de (ré)adhérer à son association d’anciens élèves. Leur service d’aide est davantage orienté vers la recherche d’un job, mais le changement de vie est un thème souvent évoqué avec des experts.
Pour avancer dans sa réflexion, une aide plus approfondie peut s’imposer. Là, pas de surprise: c’est payant. Avant d’évoquer les experts privés aux tarifs plus onéreux, arrêtons-nous sur le cas d’une association réputée dans le milieu. Et pas seulement pour le prix imbattable de son offre: 420 euros. Créée en 1984, l’Avarap accueille à Paris et dans huit villes de province des cols blancs souvent seniors, au chômage ou en activité. «Pendant sept mois, ils se retrouvent en groupe d’une dizaine de personnes, trois heures par semaine, pour faire le bilan de leur carrière et se projeter dans l’avenir», raconte son président Jacques Sauvadet.
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A chaque étape de la méthode proposée (analyse de son potentiel, suggestion de nouveaux objectifs, approfondissement d’un projet), les participants bénéficient du feed-back des autres. Ils en viennent même à voter pour ou contre leurs projets respectifs. «On m’a vite indiqué que j’étais plus douée pour les relations humaines que pour le commercial», se souvient Loulia Mikaïloff, ancienne chef de vente chez LVMH, devenue chasseuse de têtes après avoir participé à une session l’an dernier.
Cette approche collective a d’ailleurs fait des émules. Il n’est qu’à voir l’offre des start-up lancées depuis peu sur le marché de la reconversion. La plupart, comme Switch Collective, proposent des offres avec partages d’expérience en ligne ou en présentiel. Une façon originale de repenser le bon vieux bilan de compétences. Existant depuis près de trente ans, cette prestation a pour objectif de scanner le parcours professionnel du salarié afin de recenser son savoir-faire tout en analysant ses motivations personnelles, et de voir comment les deux pourraient converger dans un nouveau projet avec un plan d’action (formation, aide à la création…).
Pour ce faire, les cabinets le proposant doivent respecter une procédure en trois phases: l’analyse du besoin, suivie d’une investigation avec des entretiens s’appuyant souvent sur des tests variés, et une conclusion avec la remise d’une synthèse. Le tout ne peut pas dépasser vingt-quatre heures étalées généralement sur trois mois. Ce formatage est parfois critiqué, car il ne permet guère de s’attarder sur tel ou tel problème et le temps pour creuser son projet peut aussi manquer. Mais si l’exercice est fait sérieusement, il offre une bonne base à ceux qui cherchent leur voie.
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Autre avantage: son coût, qui oscille souvent entre 1.000 et 3.000 euros, peut être pris en charge par l’employeur. Il n’en a toutefois pas l’obligation. «Mais l’entreprise peut être sensible à l’argument de vouloir mieux se connaître pour évoluer éventuellement en interne», explique Alain-Frédéric Fernandez, consultant spécialisé. Si cela coince ou que le salarié ne veut pas éveiller l’attention, il pourra utiliser les droits acquis sur son compte personnel de formation (CPF), à condition que le cabinet soit certifié par l’Etat.
Cette dernière solution ne sera pas possible, en revanche, pour s’offrir les services d’un coach. Hormis dans certaines entreprises généreuses qui peuvent l’accorder à leurs cadres dans le cas d’un départ négocié («outplacement»), il faudra payer de sa poche ces experts de l’accompagnement personnalisé. Par une série de questions, le coach se propose d’aider le salarié à détecter ce dont il a réellement envie, lever les freins qui l’empêcheraient d’avancer ou encore améliorer sa confiance en lui. Mais il n’est pas simple de trouver chaussure à son pied, car la profession est peu réglementée et chacun utilise les techniques de psychologie (PNL, analyse transactionnelle, test de personnalité Process Com…) qu’il souhaite.
A raison de plus d’une centaine d’euros l’heure, autant faire attention. D’abord en choisissant un coach diplômé d’une université ou d’une école accréditée par les fédérations professionnelles. Puis en se renseignant sur son expérience, sa réputation et ses résultats tels qu’ils apparaissent sur le Web ou via les recommandations faites sur LinkedIn. Enfin, il faudra que le courant passe lors de la première rencontre. «J’ai payé 2.900 euros, se souvient de son côté Thierry Barbet-Massin. C’est cher, bien sûr, mais voyons-le comme un bon investissement.»
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