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Youness Bousenna
Publié le 28/12/22
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(De gauche à droite) Les écrivains Anne Berest, Miguel Bonnefoy, François Bégaudeau et Grégory Le Floch.
Photos Basso Cannarsa, Olivier DION, Vincent MULLER, Arnaud DELRUE / OpalePhoto
De tout temps, la littérature a été plombée par les clichés. Expressions toutes faites, tics d’écriture, scories… Ces difformités créatives, Hervé Laroche les traque depuis deux décennies. En amoureux des livres, il vient de publier une édition augmentée de son Dictionnaire des clichés littéraires (éd. Arléa, 288 p., 10 €), initialement paru en 2003. Le sujet inspire à Grégory Le Floch une image : « Les clichés sont comme des entremetteuses, ils n’aiment pas voir les mots célibataires. Écrire, c’est briser les vieux couples pour en faire de nouveaux », glisse le prix Wepler 2020 pour De parcourir le monde et d’y rôder (éd. Bourgois).
« Contrairement au peintre, l’écrivain exploite un matériau utilisé par des millions de semblables. Écrire signifie d’abord hériter d’une langue que l’usage a figée, et inventer ses propres agencements de mots pour la revitaliser », remarque de son côté François Bégaudeau, qui comptera bientôt vingt romans, dont Entre les murs (éd. Verticales, 2006) et La Blessure, la vraie (2011). Anne Berest, elle, combat les clichés sans forcément les détester. Elle s’en explique en citant Hitchcock : « Il vaut mieux partir d’un cliché que d’y finir », a un jour dit le cinéaste. « Cette phrase résume mon rapport à l’écriture », confie l’autrice de La Carte postale (éd. Grasset, 2021), qui part toujours du cliché, car c’est lui qui vient en premier. Il s’agit ensuite de le traquer, sans quoi l’écrivain s’expose à de douloureuses déconvenues.
Miguel Bonnefoy en est encore marqué (au fer rouge). À l’âge où l’on est fauché par son premier amour, lui devient un grand brûlé de la littérature. « J’ai écrit ma toute première nouvelle à 16 ans, dans une revue étudiante. Je l’ai envoyée à un terminale que j’admirais, et il m’a répondu : “C’est sympa, mais c’est un peu cliché.” J’entendais ce mot pour la première fois. » Ne sachant s’il doit le prendre comme un compliment ou une offense, il interroge son père. La sanction est sans appel : « Ça a été ma première cicatrice d’écrivain. Les premières sont toujours les plus violentes. » Vingt ans plus tard, il est toujours sous le choc. « Depuis, je veille sans cesse à déconstruire les glissements sémantiques attendus, à chasser les proverbes. » L’auteur d’Héritage (éd. Rivages, 2020) le certifie : chez lui, on ne trouvera jamais plus d’amours infinies ou de tensions palpables.
Mais il y a un cliché dont il ne s’était pas douté. Une lectrice attentive le lui a récemment soufflé lors d’une rencontre autour de son dernier-né, L’Inventeur (éd. Rivages) : « Cette dame m’a fait remarquer que le mot silence revient sans cesse dans mes livres. » Bonnefoy compte désormais le faire taire. « La prochaine fois, je ferai un “Ctrl + F” dans mon manuscrit. » Au passage, il nous confesse un fantasme : « Un genre me tourne dans la tête depuis des années, le roman préhistorique. Un texte où il y aurait seulement des descriptions de cailloux, de pierres, de feu. Ce serait complètement fou. » Dingue, en effet. Et aussi un moyen de contourner ce qu’il redoute le plus : le dialogue. Cet exercice est le « plus périlleux », car il expose à la terrible tentation du parler vrai… « On peut très vite tomber dans le pâteux, comme faire dire à un caviste “Je vais partir sur du Pommerol.” »
Mais singer le « parler prolo » ou s’émouvoir d’un crépuscule n’est que le degré zéro du poncif. « Le cliché linguistique est presque l’erreur du débutant, le vrai cliché littéraire est ailleurs », prévient Grégory Le Floch, qui publie en janvier son troisième roman, Gloria, Gloria (éd. Bourgois). Lui ne supporte pas les clichés psychologiques, « quand on sait après trois pages comment untel réagira dans trois cents ». Ces « chaînes de réactions automatiques qui figent les personnages » − s’enfuir après une explosion, remercier quand on reçoit un cadeau… −, il s’en méfie donc (comme de la peste). Dans ses romans, ce professeur de français cherche à créer des agencements émotionnels inédits, inspirés par ce vers de Lautréamont : « Beau comme une rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie. » Décryptage : « Je cherche à créer des coups de foudre entre des choses qui ne vont pas ensemble. »
Grégory Le Floch se bat aussi contre lui-même. Il sait que ses scènes ont tendance à « systématiquement tomber dans l’excès, le bouillonnement », et tente d’apprivoiser le mode mineur, car « trop d’intensité anesthésie le lecteur ». Franco-Vénézuélien et écrivant sur l’Amérique latine, de Sucre noir (2017) à Héritage, Miguel Bonnefoy prend garde à ne pas s’enfermer dans un autre cliché : la veine surchargée du réalisme magique, avec ses touffeurs tropicales et ses carnavals. « Le cliché latino-américain crée un effet de luxuriance en multipliant les relatives : écrire en français me sauve ! Avec le temps, j’ai énormément réduit mes phrases et adopté une forme plus elliptique pour y échapper : je mélange l’exotisme latino-américain et la retenue française. »
Le combat contre le cliché est âpre. Mais, comme dans les arts martiaux, leur force peut être retournée à son profit. On ignore si Bégaudeau pratique le judo, mais il en adapte les principes avec les mots. « J’aime relittéraliser les métaphores. Par exemple, si j’écrivais une scène avec un meunier, je raconterais volontiers qu’il a passé sa journée à “veiller au grain” : cette métaphore éculée serait soudain revitalisée. » Anne Berest ose même une poétique de ce « brouillon de la réalité » qu’est le cliché. Elle le réhabilite via son sens photographique : « On pourrait définir les grands écrivains comme des créateurs de clichés. Quand on lit une page de Houellebecq ou de Modiano, on sait immédiatement qu’elle est d’eux. » Tout à coup, le cliché s’inverse, et se mue en « vision originale, aux antipodes de son premier sens ». Ce qui redéfinit le fantasme de tout auteur : « Chaque écrivain rêve de créer un cliché. » Comme s’il était impossible de lui échapper.
À lire
r Dictionnaire des clichés littéraires, d’Hervé Laroche, éd. Arléa, 288 p., 10 €
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