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On se souvient d’elle pour un seul livre, Du côté des petites filles, qui fut aussi son premier, publié en France en 1974 par les Éditions des femmes qui en tira 250 000 exemplaires. Son œuvre d’écrivaine, partiellement traduite, fut pourtant bien plus vaste, délaissant parfois l’essai pour le récit. Disparue le 24 décembre 2022, à l’âge de 93 ans, Elena Gianini Belotti reste largement à découvrir.
L’ouvrage paru en Italie en 1973 chez Feltrinelli se vendit en 600 000 exemplaires dans la péninsule. Traduit en quinze langues, il eut aussi un grand succès en français, « peut-être, expliquait son autrice quarante ans plus tard, parce que les conditions de vie des femmes dans les deux pays sont assez semblables ». Le ton surtout en était si nouveau que son titre devint le nom d’une maison d’édition italienne pionnière à la fin des années 1970 et celui d’une collection des Éditions des femmes.
Forte de son expérience d’enseignante à Rome, dans une école publique qui préparait des professionnels de la petite enfance, et de directrice du Centre de la naissance Montessori à Rome, où des femmes se préparaient à l’accouchement, Elena Gianini Belotti montrait comment, dès l’allaitement, les filles et les garçons bénéficiaient d’une grande disparité de traitement et de considération qui en venaient à conditionner leur genre, et partant leur avenir et leur place dans la société.
« Ce que j’écrivais me semblait d’une banalité déconcertante ; j’étais très étonnée que personne ne s’en soit rendu compte et ne se soit révolté », dira-t-elle bien plus tard, sans encore avoir pris la mesure de la nouveauté de son approche – que certaines féministes ont pu qualifier de misogyne, notamment parce qu’elle y décrivait le rôle traditionnel des femmes et des mères comme essentiel pour la survie du patriarcat. Son approche des genres basée non sur des structures innées cohérentes liées à une identité sexuée, mais sur des constructions sociales parut tout aussi déroutante, même si elle empruntait des voies aujourd’hui balisées par la recherche et le milieu militant.
Elle montrait enfin comment un système d’oppression ne satisfait personne, ni bien sûr celui ou celle qui se retrouve dans le rôle de l’opprimé ni, tout aussi justement, dans celui qu’on assigne au rôle de l’oppresseur. « Qu’est-ce qu’un garçon peut tirer de positif de l’arrogante présomption d’appartenir à une caste supérieure, y interrogeait-elle, du seul fait qu’il est né garçon ? La mutilation qu’il subit est tout aussi catastrophique que celle de la petite fille, persuadée de son infériorité… et son développement à lui en tant qu’individu en est déformé, sa personnalité appauvrie, ce qui rend difficile les rapports entre les deux sexes. »
Elle écrivit sur le rêve américain des émigrants italiens en retraçant le parcours de son père, dédia un roman au destin brisé d’Italia Donati, une jeune institutrice de la fin du XIXe siècle, que des rumeurs infondées poussèrent au suicide, retraça le parcours des immigrés qui transformaient le visage d’une Italie plus que réticente à accepter sa nouvelle fonction de terre d’accueil. Elle montra par ce biais combien la race, tout comme le genre, impose une identité sociale fictive pourvoyeuse d’aliénation. Son discours peut être aisément rapproché sur ce point de ce que la sociologie étasunienne a nommé l’intersectionnalité.
Si d’autres de ses ouvrages ont été traduits depuis en français, cette célèbre inconnue reste largement à découvrir. Peut-être faudrait-il commencer par relire son livre phare et y voir ce à quoi aujourd’hui encore, il fait douloureusement écho. « D’un côté, confiait-elle en 2014, je suis contente que mon livre soit encore d’actualité. D’un autre côté, je le regrette, parce que cela peut vouloir dire qu’il n’y a guère de changements dans l’enfance des petites filles. » Celles qui sont sages vont au paradis, a-t-on coutume de dire, les autres vont où elles veulent. Il y a près de cinquante ans, Elena Gianini Belotti bénissait leur insolence.
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