2022 année de la bascule « environnementale », « écologique », « climatique » … Hausses des températures, canicules à répétition, sécheresse… 2022, c’est l’année la plus chaude jamais enregistrée en France ? Comment pourrait-on la nommer ? Après 6 rapports du GIEC et 27 COP depuis le premier Sommet de la Terre à Rio en 1992, une chose est sûre : cette année notre perception a (enfin) changé. Et si ce monde devenait inhabitable ? La question s’impose désormais au plus grand nombre. Pour analyser ce point de bascule, qui mieux que vous Philippe Descola à qui l’on doit tout simplement l’une des dernières révolutions de la pensée moderne : la fin de l’opposition entre nature et culture. Début décembre, il était présent au forum organisé par l’Ademe, l’Agence nationale pour la transition écologique et le Centre Pompidou à Paris autour de la nécessité de s’engager dans la transition écologique comme une transition culturelle est nécessaire.
Une conscience écologique à la peine
L’anthropologue est quelque eu perplexe quant à cette nouvelle conscience écologique de notre monde occidental qui peine à s’imposer selon lui puisqu’il considère que le bouleversement d’affect nécessaire à un tel changement n’est pas encore là, et correspond encore à une fraction de la population : “Cette transition écologique qualifie le passage d’un État à un autre que je ne vois pas encore, puisqu’on assiste encore à une perpétuation d’un État qui n’a pas beaucoup changé depuis la COP 21. Les résultats de la COP 27 n’ont pas apporté grand chose. Je suis plutôt inquiet, même si les chaleurs exceptionnelles de l’été de l’automne font prendre conscience qu’il y a quelque chose qui se passe, il demeure un fossé entre cette prise de conscience et les réactions véritables. Tant que les Etats auront des intérêts à défendre, notamment en termes de maintien de l’exploitation des énergies fossiles, je ne pense pas qu’on fasse des progrès considérables”.
Pas de transition climatique sans transition culturelle
Selon l’anthropologue, il est plus que nécessaire de repenser notre rapport au vivant pour engager cette transition de nos rapports culturels. Alors nous pourrons enfin révolutionner notre rapport à la nature qui ne repose que sue un dogme de domination, de hiérarchisation, d’exploitation dont il nous fau nous affranchir : “Cette transition culturelle suppose que nous ayons conscience de pouvoir renouer des liens avec tout ce qui nous environne, et en particulier les humains et les non-humains de notre entourage immédiat, de façon à ne pas se situer dans une position de domination de surplomb vis-à-vis de la nature. Ne pas continuer à maintenir cette situation dans laquelle nous nous sommes engagés en Europe il y a quelques siècles, qui a été le moteur de la modernité, de se considérer comme maître et possesseur de la nature et de considérer que le vivant est une ressource pour notre satisfaction“. Il faut refonder notre naturalisme, repenser notre conception de la nature, non comme une chose extérieure à nous ni domesticable tel que le monde moderne nous l’enseigne depuis les grandes explorations de la Renaissance.
Renouer avec le naturalisme et l’animisme et ne faire qu’un avec le vivant
Il est particulièrement attentif aux multiples expériences sociales et culturelles menées par de nombreux peuples autochtones qui ont évolué sans techniques, sans modèle de pensées tels que le nôtre, mais qui sont autant d’inventions originales de se lier entre humains et de se lier avec des non-humains. Il s’agit de rompre avec cette pensée linéaire qui repose depuis des siècles et des générations sur le progrès absolu et qui résonne depuis comme une sorte de résolution absolue de notre société bourgeoise s’accomplissant dans le capitalisme : “En réalité, les transformations historiques qu’a connues l’humanité ne suivent pas une ligne droite, car il y a de très nombreuses expériences, des alternatives, dont certaines se sont fermées, quand d’autres se sont ouvertes et celles-ci peuvent nous permettre de penser le futur avec plus d’optimisme. Les options qui sont devant nous sont beaucoup plus vastes que celles qu’on pourrait imaginer. Ces expériences d’autres peuples plus en symbiose avec le vivant, le milieu naturel sont autant de stimulations pour penser que notre futur n’est pas condamné à être la perpétuation du présent. On peut imaginer d’autres formules puisque l’humanité n’a cessé de faire preuve d’une capacité d’imagination considérable au fil des millénaires.
C’est ce regard neuf qu’il ramène justement d’Amazonie qui lui permet d’imaginer un autrement dès lors qu’on considère que ce n’est pas le passé de l’humanité mais son contemporain tel que le rapport qu’ont les Indiens d’Amazonie aux non-humains. C’est ce qui a inspiré sa pensée du monde à venir. Ce qu’on appelle l’animisme, le fait de prêter à des non-humains, des plantes, à des animaux, à des esprits, une intériorité, une subjectivité, une âme, de façon à pouvoir échanger avec eux, sans non plus empêcher les rapports de prédation : “Cette attitude, on peut essayer de la transposer au présent. À l’intérieur du cadre naturaliste, on peut essayer d’établir par la connaissance et l’observation et l’intimité avec d’autres espèces que la nôtre, des rapports qui ne soient plus des rapports d’exploitation, de domination. Les peuples autochtones, nous offrent la polyvalence là où nous, nous sommes entrés avec la division technique du travail dans un système où chacun accomplit une tâche à l’intérieur d’un ensemble, où les responsabilités sont partagées et définies par des maîtres-d ‘œuvre. Là où dans des sociétés Amazoniennes, chacun est capable de faire la totalité des opérations nécessaires à la vie quotidienne. Lorsque des opérations complexes sont menées, chacun le fait en observant ce que font les voisins. Globalement, chacun met la main à la pâte. Il y a une circulation des savoirs et des savoirs“.
► Ethnographies des mondes à venir, le dernier ouvrage de Philippe Descola co-écrit avec Alessandro Pignocchi, est disponible aux éditions du Seuil.
La mutation c’est son identité, le changement son ADN. En seulement dix ans de carrière et presque autant de cycles de vies, Christine and the Queens / Chris / Redcar / Héloïse Letissier n’a eu de cesse de se réinventer. Il a 34 ans et a convoqué plusieurs personnages, plusieurs noms. Il est venu les analyser dans une masterclass de la réinvention.
Son fol opéra 80’s et troisième album studio Les Adorables étoiles est sorti en novembre dernier, un jour d’Armistice… On y sent pourtant un souffle guerrier. L’envie de conquérir de nouvelles manières de créer et d’aimer au XXIe siècle.
Pour sa première interview radio, Redcar revient sur son parcours et sa décennie de réinvention. Pour ses fan et son public il a d’abord été un artiste Christine, une sorte de première incarnation artistique. Ça ne tient pas debout, mais ça traverse le temps, ça n’a pas bougé “Chaleur humaine”, premier album, plus d’un million d’exemplaires en 2014. Les récompenses aux Victoires de la musique, les classements dans les tops internationaux des médias étrangers c’est rare pour les artistes francophones à l’époque et Christine est né quatre ans plus tôt à Londres, au milieu des drag queen dans un cabaret où il se réinvente après une rupture.
Christine : son premier affranchissement
Il raconte pourquoi il conserve beaucoup de tendresse pour Christine parce que cela correspond à toute sa jeunesse, au tout début de son émancipation par la musique, par l’espace de l’Art : “Christine m’a sauvé la vie. Avant que tout explose dans ma vie, Christine a commencé à arriver à mes 20 ans, au moment où j’ai décidé un peu consciemment ou inconsciemment à faire de la musique d’abord, pour me faire du bien. J’étais absolument fan de musique électro. J’avais beaucoup été admirative du travail de The Knife, Michael Jackson, j’ai aussi beaucoup écouté Björk, Radiohead. Et quand j’étais plus jeune, la musique était un incroyable espace de travail émotionnel, elle était cet espace d’être moi-même, de me sentir bien dans mes émotions, dans qui j’étais. La musique me faisait un bien énorme. J’avais d’abord conscientisé que j’allais faire de la musique, comme pour exprimer quelque chose que je n’arrivais pas du tout à exprimer autrement. Je voulais être artiste parce que j’étais en train de faire des études théâtrales pour devenir metteur en scène. La scène était le seul endroit où je pouvais dire que “Ça ne tient pas debout”. J’ai beaucoup de tendresse pour Christine parce que c’est ma jeunesse, c’est le début de mon émancipation par la musique et c’est pour ça que j’ai bien du mal à arrêter la musique avec un tel absolu qui des fois font que certaines personnes me trouvent soit suicidaire, soit trop protestante, mais c’est parce que la musique est vraiment pour moi un incroyable espace de travail émotionnel, de potentialités que l’humanité de chacun y trouve un espace infini. Parce que la musique ne réduit rien. Nos intellects entiers, nos cultures entières sont façonnées par le léger exercice de pouvoir du langage avec son genre, avec ses accords et ses règles. La musique est infiniment plus accueillante que n’importe quoi d’autre“.
Christine, c’est surtout l’évolution de la culture drag au début des années 2010, qui de culture marginale est véritablement devenue une culture populaire. Lui-même a évolué dans ce microcosme Drag londonien qui a contribué à façonner son identité : “J’y étais comme un jeune adolescent queer paumé qui va chercher des momie’s/mamans. Ce sont aussi des performeurs incroyables qui forgent un espace de feeling tel que et j’y suis allé sans faire partie du milieu, et pourtant il m’a sauvé. Comme toute lutte fondamentale pour l’humanité, la lutte queer aide tout le monde, à une libération glorieuse. D’ailleurs chacun a besoin d’aller découvrir qu’on peut être un autre“.
L’art libérateur de la musique
Chaque album représente pour le chanteur une aventure qui lui procure toujours plus de nouvelles sensations inestimées de bonheur. Il rappelle combien la musique lui a permis de prendre conscience de qui il était vraiment : “L’art m’a transformé et si je n’avais jamais écrit de chansons, je n’aurais sans doute jamais compris profondément qui j’étais. Je me jette à corps perdu dans ce que je fais. La musique m’a d’abord permis d’exprimer quelque chose que je n’arrivais pas du tout à formuler par d’autres moyens. C’est la raison pour laquelle depuis, le rapport à l’art m’accapare, mais parce qu’il faut qu’il soit absolu et qu’il régisse ma vie entière. D’où mon besoin permanent d’inventer des écritures musicales qui permettent aux gens de cathartiser les choses surtout dans des époques aussi étranges que nous vivons actuellement. L’artiste doit être électricité et transmutation. Redcar c’est peut-être ma façon de monter aux autres qu’il faut accélérer le processus, une manière de faire comprendre qu’il faut foncer, s’engager dans ce qu’on au plus profond de nous-mêmes“.
Comment Madonna a aidé Redcar dans sa quête d’identité
Comme David Bowie, Michael Jackson et tant d’autres Madonna fait partie des nombreuses figures qui ont inspiré le chanteur, celles qui lui auront permis de forger son personnage et de mener son renouveau artistique. Mais Madonna c’était ce qu’il continue d’appeler lui-même une “identité fantastique”, hors du réel : “Ce qui est absolument incroyable chez elle, c’est qu’elle n’a jamais négligé l’impact de son corps en tant qu’outil arme détonateur, dominator, cette sorte de super colossus transformate. Elle a été dans la manifestation d’elle-même par elle-même aussi dans cette féminité extrêmement masculine, très gay friendly. Elle est aussi la première voire même la seule à questionner le patriarcat avec autant de sauvagerie sexuelle quand on pense au travail qu’elle a fait dans Erotica en tant que féministe aussi, qui réclame une égalité du traitement hommes/femmes. Mais aussi dans la place qu’elle a pris dans la formulation par elle-même de sa sexualité, de sa puissance. Elle est fantastique et c’est marrant parce que les reproches qu’on peut lui faire, même sur la façon dont elle approche sa vieillesse, sont une même volonté de réduire sa propre volonté“.
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