On y retrouve en effet ses deux héros, Benny Griessel et Vaughn Cupido, membres d’une unité d’élite de la police sud-africaine, les Hawks c’est-à-dire les Faucons.
Quand s’ouvre le roman, ces deux-là sont en mauvaise posture. Pour avoir transgressé les ordres de leur hiérarchie lors d’une précédente enquête, celle de La Proie, ils sont rétrogradés et affectés à une cinquantaine de kilomètres du Cap, à Stellenbosch, réputée pour ses vignobles mais pas vraiment pour la singularité de ses affaires criminelles.
Le roman, comme tout bon thriller démarre sur les chapeaux de roues, une course-poursuite magistralement mise en scène, séquences découpées au millimètre et rythme endiablé.
À peine remis de ses émotions, le lecteur est ensuite immédiatement embarqué dans une double intrigue.
La première met une jeune agente immobilière aux prises avec un homme d’affaires richissime, escroc notoire peu habitué à ce qu’on lui résiste. Une aventure dans laquelle la jeune femme va… comment dire… se révéler.
Quant au second fil narratif, il s’agit d’une disparition. Celle d’un étudiant, Callie, as de l’informatique et hacker à ses heures, lui aussi entraîné dans une aventure trop grande pour lui.
Les deux histoires, bien entendu, finiront par se croiser dans une dernière séquence façon western brillamment enlevée.
Le texte a toutes les qualités d’un bon thriller. Les deux actions et leurs multiples rebondissements sont tricotés serré, elles avancent en parallèle par séquences très courtes.
Le lecteur est ainsi en permanence tenu en haleine, le récit d’une action étant constamment interrompu pour laisser place à l’autre. On est en perpétuelle attente de la suite et Deon Meyer excelle à ce jeu car on ne se perd jamais. C’est une mécanique de précision et un bonheur de lecture.
Mais au-delà de l’action, les personnages sont complexes et fouillés, leurs situations psychologique et sociale brossent en filigrane un portrait sensible de l’Afrique du sud et de la diversité de ses habitants.
Et puis, il me semble qu’on n’insiste pas assez sur l’humour de l’auteur dont le regard mêle tendresse et ironie. Certaines scènes sont ainsi de pure comédie, comme celle-ci, quand Vaughn Cupido raconte à son collègue qu’il a téléchargé une appli, Lose It !, sur son portable pour tenter de maigrir…
« Il faut entrer son âge, sa taille, et son poids. Et puis indiquer le type de maigrichon qu’on veut devenir. L’appli te calcule alors ce que tu peux manger chaque jour. Mais il faut entrer la moindre maudite bouchée qui passe ta glotte, ça te donne automatiquement tous les kilojoules. Très chouette, je me dis, je vais y arriver, qu’on me laisse deux semaines et je retrouve ma ligne. Ce matin, avant qu’on aille voir la mère de Callie, j’ai entré les Choco Pops et le lait que j’ai pris au petit déj. Cela représente la moitié de la ration autorisée pour la journée, je suis déjà dans la merde, pappie. Je tremble en pensant à ce que va donner un samoussa. Je suis dans une voiture avec un partenaire qui peut se bâfrer tant qu’il veut, et moi, je dois d’abord vérifier auprès de Lose It ! parce que je suis obèse. Diable, partenaire, ça promet d’être l’enfer. »
La corruption du pouvoir était au centre du précédent roman. Le titre de celui-ci, Cupidité, laisse imaginer la poursuite de ce thème…
Ce roman se situe à la fin de la présidence de Jacob Zuma, au pouvoir entre 2009 et 2018. Et il montre à nouveau, avec la même colère, la corruption à tous les étages de l’État, du président aux élus régionaux et aux gradés de la police. Contrats publics truqués, fonctionnaires au service d’une clique de politiciens et d’hommes d’affaires tout puissants.
La plupart des personnages de ce roman, quel que soit leur position sociale, sont fascinés par l’argent, personne n’y échappe, tout la société est gangrénée. Seul compte le fric. Et jamais Deon Meyer n’a été aussi critique vis-à-vis de son pays.
Cupidité de Deon Meyer. Traduit de l’afrikaans par Georges Lory, éd. Gallimard, collection « Série noire ».
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