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“The White Lotus” : petite métaphysique du connard – Philosophie magazine

Tanya (Jennifer Coolidge) et son mari Greg (Jon Gries), l’un des couples en vacances dans la saison 2 de “The White Lotus”. © HBO
La saison 2 de la série The White Lotus vient de se terminer. Située dans un hôtel paradisiaque de Sicile, elle suit le destin d’une dizaine de personnages qu’il est tentant de qualifier de « connards ». Au-delà de l’insulte amusante, Ariane Nicolas s’est demandé ce que recouvrait véritablement ce mot.

 
La série The White Lotus est le genre de programme qu’il ne faut pas regarder en présence d’enfants. Non pas que cette série soit obscène ou violente, même si l’on aperçoit bien quelques bouts de chair par-ci par-là et qu’elle débute par la découverte d’un cadavre. Mais à intervalles réguliers, l’on se surprend à s’esclaffer vulgairement : « Ohlala, quel connard ! » Ou connasse, selon la scène. Au point que l’on se dit que la « connardise » forme réellement du cœur de ce lotus blanc, dont la saison 2 s’est achevée le week-end dernier.
Qu’est-ce qu’un connard, ou une connasse ? Cette question a ressurgi à la rentrée littéraire, avec le Cher Connard de Virginie Despentes [lire notre article]. Le connard, tel que décrit, est essentiellement un misogyne qui peine à se réformer. Vision sans doute conforme à une partie de l’essence du connard, mais un peu étriquée. En scrutant une dizaine de personnages à la loupe, dans un palace de bord de mer, The White Lotus élargit le spectre de la « connardise », en étudiant notamment comment la richesse génère naturellement ce type de profil. [Dans cet article, « connard » est employé pour qualifier indifféremment hommes comme femmes…]La série The White Lotus tire son nom de la chaîne d’hôtels luxueuse où s’invitent en vacances les protagonistes, des couples, familles ou personnes seules ayant pour point commun d’avoir plusieurs millions sur leur compte en banque. Chaque saison propose un site touristique, une intrigue et un casting renouvelés – à l’exception de Tanya (formidable Jennifer Coolidge), fil rouge des deux volets. Nous voyageons ainsi à Hawaï dans la première saison, en Sicile dans la deuxième. Ces huis clos insulaires et ensoleillés ont l’effet d’un révélateur du tempérament de chacun, comme c’est d’ailleurs souvent le cas en vacances : on passe deux semaines à s’engueuler et on revient bizarrement relaxé.
Dans la saison 2, le spectateur suit le destin de cinq îlots de personnages : les hommes de la famille Grasso, quatre trentenaires en couple, deux amies prostituées, Tanya l’héritière alcoolique et enfin Valentina, la gérante lesbienne. De tous ces individus, pas un n’échappe, à un moment ou un autre, au qualificatif de connard. Le père et le grand-père Grasso sont d’odieux machos et fiers de l’être ; leur fils est un woke qui tente d’échapper à la misogynie consanguine de son clan et s’achète néanmoins une femme (Lucia) pour l’emmener en Californie ; Tanya traite son assistante Portia comme un valet de l’Ancien Régime ; le mari de Tanya, quant à lui, se fait la malle au milieu des vacances, tandis que Portia flirte avec le fils Grasso avant de draguer un autre homme sous ses yeux ; la gérante Valentina promeut une femme (Mia) en récompense de faveurs sexuelles ; le couple Cameron et Daphne met sens dessus dessous la vie de Harper et Ethan ; une troupe de gays embobine Tanya pour mener à bien un projet machiavélique…
Si l’on peut parler de connardise dans tous ces cas, c’est qu’il s’agit toujours de conduites inappropriées ou irritantes. Le connard est une insulte à l’éthique, plus qu’à la morale. La différence entre les deux est ténue, mais importante. La morale définit l’interdit, ce qui est bien ou mal de faire dans l’absolu, à la manière d’un commandement. L’éthique, de son côté, désigne plutôt le registre de l’intention personnelle et des règles, elle tente de circonscrire le comportement adéquat à adopter dans une situation donnée, ce qui convient le mieux de faire à un instant t, en prenant en compte la complexité de tous les paramètres.
C’est donc en situation, au contact des autres, et en rupture avec certaines règles partagées plutôt qu’avec la loi, que le connard peut jaillir au grand jour. Un meurtrier n’est pas nécessairement un connard, même s’il enfreint un interdit moral absolu. En revanche, une personne qui respecte la loi peut s’avérer un parfait trou du cul. Portia, par exemple, a le droit de draguer qui elle veut. Mais elle pourrait aussi changer de cible plus délicatement… Cameron a le droit d’enlever son maillot de bain pendant que la femme de son ami est dans les parages ; mais il pourrait aussi ne pas faire en sorte qu’elle le voie nu… Le grand-père Grasso a le droit de flatuler en public ; mais il a aussi le droit de s’excuser…
Bien que « connard » et « con » soient proches en français, le connard n’est pas pour autant une figure de la connerie. Ce n’est pas un gros bêta qui faute par méconnaissance de la vertu (Platon) ni par indulgence envers lui-même (Flaubert). Dans The White Lotus, le connard est même souvent présenté comme un être intelligent, qui mène ses intérêts avec rationalité et talent, s’intéresse aux sites touristiques de l’île et sait se montrer correct – le personnel est bien traité. Tout sauf idiot, le connard n’est pas non plus à confondre avec le méchant. Il s’en distingue par la nature de ses actions : jamais le connard ne cherche volontairement à nuire. L’irritation qu’il cause est toujours la conséquence fatale d’un acte qu’il entreprend, non son but. Le connard est indifférent à la souffrance d’autrui, au sens fort : il ne s’en plaint ni ne s’en repaît. Il s’en fout.
En ce sens, le connard est d’abord un individu qui se sent autorisé à agir de manière irrespectueuse et s’attribue lui-même le mérite de cette licence. S’il est détestable, c’est qu’il juge sa personne assez noble et souveraine pour rompre le pacte de non-agression qui régit les membres d’une communauté et ne fait aucun effort pour s’y plier. Cette composante antisociale de la connardise est analysée par une étude de l’université de Californie, publiée dans la revue Collabra: Psychology. Des chercheurs s’intéressant à cette question explicitent la définition qu’en donnent généralement les participants interrogés : les « plus gros connards » (« assholes ») rencontrés dans leur vie sont jugés « désagréables, immodestes, non coopératifs, non empathiques, colériques et névrosés ». « D’une manière générale, précisent les auteurs, la violation des normes sociales et des mœurs, ainsi que les humeurs non régulées, représentent les principales caractéristiques attribuées aux connards. »
On aurait vite fait de rendre connardise et égoïsme équivalents. Ce trait de caractère est plus subtil, et The White Lotus le montre bien. Le connard agit effectivement dans son intérêt propre, mais celui-ci est presque toujours le reflet d’intérêts plus larges : ceux d’une famille, d’un groupe d’amis, d’une classe sociale, d’un sexe. La connardise éclaire le fonctionnement dialectique de l’identité, qui met en correspondance un parcours personnel et un conditionnement collectif, conduisant tel ou tel groupe à se sentir davantage « autorisé à ». Le connard n’est pas tout à fait un individu isolé aux choix impérieux, il est précédé par ce qui le constitue socialement comme sujet. C’est ainsi que Tanya juge parfaitement normal qu’on la serve comme Marie-Antoinette, puisque c’est une multimillionnaire, alors qu’aucune employée de l’hôtel ne pourrait se sentir à l’aise face à de tels égards.
La série insiste tout de même sur une dimension : l’argent. C’est d’ailleurs ce qui rend le programme le plus savoureusement satirique. Aux très riches, l’argent confère la certitude qu’ils méritent leur statut de dominants, voire qu’ils sont fondamentalement de « bonnes personnes » puisqu’ils arrosent le monde de leurs dollars bienfaisants (le problème de la philanthropie s’avère central dans la saison 1). Or, ces individus sont tellement riches qu’ils perdent le sens des réalités et, surtout, leurs rapports interpersonnels sont pourris par le capital : le fils Grasso rend service à son père contre 50 000 euros ; les homosexuels manipulent Tanya en l’éblouissant de faste ; Ethan songe à tromper sa femme depuis qu’il est devenu riche. Humainement, l’argent gâche tout. Il fabrique des connards en série.
Au-delà de ces éléments psychologiques ou socio-économiques, qui indiquent une sorte de prédisposition à la connardise – un « facteur risque connard » – on peut quand même se demander s’il n’existe pas quelque chose de plus universel dans ce trait de personnalité. Quel que soit notre profil social, il y a de fortes chances pour qu’à un moment de notre vie, l’on se comporte comme un connard, sans forcément le vouloir ni l’apercevoir. À quoi cela tient-il ? C’est sans doute l’histoire entre les deux couples (Harper/Ethan, Cameron/Daphne) qui permet le mieux de penser cette question.
Cameron et Daphne sont un couple de riches, blancs, beaux, souriants, affables, le rêve américain en tongs Gucci. Le premier a invité en vacances Ethan, son ancien coloc’ à Yale qu’il avait perdu de vue, à l’hôtel White Lotus pour parler business… et peut-être faire joujou avec sa femme Harper. On ne saura jamais ce que Cameron avait en tête au départ, mais ce qui est sûr, c’est qu’en matière d’amour, il est d’une muflerie consommée. Il trompe sa femme, lui ment, et tente d’embarquer le très « droit dans ses bottes » Ethan dans son petit jeu. Malgré tout, à la fin de la série, Cameron a gagné. Ethan a dérogé à ses principes : il est devenu un connard à son tour.
Qui donc est le plus connard des deux ? Cameron, qui n’a aucun principe ? ou bien Ethan, qui a des principes et ne les respecte pas ? Certes, Cameron se montre plus odieux comme personne dans l’absolu, avec ses remarques désobligeantes et son inconséquence puérile, mais c’est le basculement d’Ethan qui paraît éthiquement le plus condamnable. Avec Cameron, au moins, on sait à quoi s’attendre. C’est peut-être pour cela que les connards qui s’assument, tel Cameron, nous paraissent finalement plus sympathiques, et qu’on peut les traiter, comme dans l’ouvrage de Virginie Despentes, de « chers connards ». Le connard vit plus intensément, plus librement, plus incroyablement, et nous donne en même temps un bref sentiment de supériorité morale quand nous croisons son chemin. C’est pourquoi, tout en l’insultant à voix haute, nous le remercions secrètement d’être entré dans nos vies.
La bosse des maths, le front de l’idiotie, la tête du tueur existent-ils ? Serions-nous programmés ? Le mythe d’un déterminisme héréditaire remonte au XIXe siècle, avec l’apparition de la criminologie et des théories eugénistes. Aujourd’hui, le courant de pensée, notamment anglo-saxon, selon lequel l’inné prime sur l’acquis, ignore la nécessité d’une approche plurielle des comportements humains : sociale, génétique, cognitive, culturelle, médicale. Et oublie le pouvoir de la pensée sur nos vies.
Que dois-je faire ? Cette question introduit à la morale et au droit. Le devoir désigne l’obligation à l’égard de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il se réfère au Bien (morale) ou à la Loi (droit), suppose une règle et s’adresse à la liberté de l’individu – sans quoi le devoir se confondrait avec la nécessité, à laquelle on ne peut échapper. La morale traite des contraintes intérieures à la personne ; elle laisse au droit l’étude des obligations extérieures, comme les devoirs civiques. L’éthique (ou morale) qui soutient qu’il y a des obligations inconditionnelles est dite « déontologique » (du grec deonta qui signifie « les devoirs »). Elle s’oppose à l’éthique « conséquentialiste » qui juge qu’une action est morale seulement si ses effets sur autrui sont bons. On appelle « éthique minimale » la morale qui estime qu’il n’y a de devoirs qu’à l’égard des autres (pas à l’égard de soi), et donc que le suicide, par exemple, n’est pas une faute morale.
Né en 1940 à Indianapolis, Thomas Scanlon fut professeur de philosophie morale, d’abord à Princeton (de 1966 à 1984), puis, depuis 1984, à Harvard (jusqu’à sa retraite en 2016). Après une thèse consacrée à la logique mathématique, il se tourne vers la philosophie politique et la théorie morale. Scanlon est ainsi l’auteur d’une œuvre considérable et diverse, non traduite en français à l’exception, en 2018, de L’Épreuve de la tolérance (2003). Fait cocasse, dans la série télévisée américaine The Good Place, cette grande figure de l’éthique contemporaine est devenue un personnage de fiction (incarné par l’acteur William Jackson Harper). Et si nous nous penchions sur la pensée, bien réelle, de ce héros imaginaire ?  
Avec “Phèdre!”, le metteur en scène François Gremaud et le comédien Romain Daroles mettent à nu la tragédie de Racine, lui rendant toute sa singularité. Un exercice d’admiration jubilatoire à voir sur le site Internet France.tv
La série américaine Seinfeld fait son entrée sur la plateforme Netflix. Une émission devenue culte, alors qu’elle parle ouvertement et fièrement de : rien. Mais le « rien » de Seinfeld n’est pas le néant absolu, c’est un rien qui enchante et dédramatise nos vies.  
Le nouveau roman épistolaire de l’autrice de Vernon Subutex fait débat au sein de la rédaction de Philosophie magazine. Notre chroniqueur en chef de la rubrique « livres » Jean-Marie Durand a adoré. Notre rédacteur en chef Martin Legros, pas du tout. Voici leurs avis.
Si le problème des biais cognitifs est aujourd’hui bien identifié, celui du « bruit » aléatoire qui parasite nos jugements et nos décisions l’est moins. Explication avec Cass Sunstein, l’ex-administrateur du Bureau de l’informations et des affaires réglementaires de la Maison Blanche, qui a récemment fait paraitre Noise. Pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter (Odile Jacob) avec Olivier Sibony et Daniel Kahneman.   
Attention, succès fulgurant. La série Squid Game, diffusée sur Netflix depuis le 17 septembre, est celle qui a connu le meilleur démarrage de tous les temps sur cette plateforme. Malgré son ultra-violence, cette dystopie sud-coréenne touche un public jeune qui semble happé par la mise en scène et les thématiques abordées. Autopsie philosophique d’un succès.  

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