Déploiement De La Fibre Optique Dans Le Cher, Des Difficultés De ...

Publié le 27/03/2021 à 07h00
Thomas Migault
À Trouy, Gwendoline galère depuis octobre pour accéder à la fibre. Malgré une succession de techniciens, « à chaque fois le même constat : “Votre fourreau est bouché sur le domaine public.” Les ennuis commencent. Qui doit effectuer les travaux ? Orange, la mairie, nous ? » En mars, toujours pas de travaux. « Nous sommes vraiment démunis face à cette situation », confie-t-elle.
Le déploiement à marche forcée de la fibre optique est autant porteur d’espoirs qu’il génère des frustrations.
Sur leberry.fr, les messages d’habitants désemparés ou en colère affluent. Pour certains, accéder à la fibre est un vrai parcours du combattant (lire ci-dessous).
Si la crise du Covid-19 a creusé un peu plus les inégalités territoriales sur le plan numérique, elle a surtout accéléré les besoins en matière de couverture mobile et internet. Un enjeu majeur pour l’attractivité des territoires, alors que la 4G n’est pas accessible partout dans le Cher. Et que le réseau internet n’en est encore qu’à l’ADSL dans certains territoires.
100% du Cher couvert en 2025 : comment va se dérouler la phase 2 du déploiement de la fibre optique dans le département
En 2025, promet le Département, 100 % du Cher sera couvert par la fibre optique. « C’est un pari et c’était loin d’être gagné d’avance », insiste Patrick Barnier, président de Berry numérique et vice-président du Département du Cher.
À Vierzon et dans l’agglomération de Bourges (15 communes), c’est l’opérateur historique Orange qui déploie, depuis 2015, via des sous-traitants et sur ses fonds propres, la fibre optique dans la zone privée. Orange se donne jusqu’à fin 2022, pour réaliser 100 % de son déploiement. Charge à l’opérateur internet de chaque client éligible qui en fait la demande de faire le raccordement entre le point de branchement et son domicile.
Mon parcours du combattant pour être raccordé à la fibre optique en trois actes
Pour le reste du Cher, dans le réseau d’initiative publique, le Département a créé, avec la Région Centre-Val de Loire et les communautés de communes du Cher, Berry numérique, la structure publique en charge du déploiement via le groupement d’entreprises Axione/Vauban Infrastructure. Son délégataire Berry fibre optique est responsable de l’exploitation et de l’entretien du réseau ; c’est également lui qui est chargé de raccorder le logement au réseau public quand il s’agit des petits fournisseurs d’accès à internet.
Déploiement de la fibre optique dans le Cher, des difficultés de ... - Le Berry Républicain La sous-traitance en cascade génère parfois des problèmes de raccordement.
D’ici fin 2021, 70 % de la population devrait être couverte, puis 84 % fin 2022, 90 % fin 2023, 96 % fin 2024 et 100 % fin 2025. Dans la communauté de communes Terres du haut Berry, par exemple, qui fédère 25 communes, 11 ont été raccordées depuis 2018, dont deux que partiellement. Onze le seront entre 2021 et 2022. Les communes restantes non desservies par la fibre et l’habitat isolé non traité seront raccordés lors de la seconde phase de déploiement qui débutera en 2022. « La fibre se déploie mieux que je ne le craignais », assure son président Bernard Rousseau. La com’com doit tout de même mettre la main à la poche : 2,5 millions d’euros pour fibrer son territoire.
Un endettement non négligeable pour les collectivités locales qui doivent financer les 20 % restant, rappelle Philippe Moisson, président de l’association des maires du Cher. Une contribution qui ne leur sera pas demandée pour la seconde phase.
La fibre optique pour tous espérée d’ici un an à Bourges
Si l’objectif « est d’équiper en premier ceux dont le débit est aujourd’hui le plus mauvais, il s’agit aussi de composer avec les contraintes techniques d’accessibilité, et de couvrir les zones démographiquement denses pour rentabiliser la commercialisation », explique Patrick Barnier.
Mais une commune fibrée ne signifie pas que 100 % de ses habitants puissent s’y raccorder immédiatement. Il faut déjà vérifier son éligibilité et faire les démarches auprès de son fournisseur d’accès à internet pour pouvoir être raccordé.
Les travaux de déploiement de la fibre optique à Vierzon ont pris du retard
Mais entre un habitat éloigné, des points de blocages techniques, des interventions différées, des rendez-vous manqués ou des malfaçons générées par la course au rendement des entreprises sous-traitantes, les déconvenues ne sont pas rares.
« Quand une zone est ouverte commercialement, les gros opérateurs ne sont pas forcément là le jour de l’ouverture »
Pascal Bourdillon, directeur de Berry numérique (empty)

Pascal Bourdillon, directeur de Berry numérique évoque deux problèmes : la construction du réseau et le raccordement. « Dans notre zone publique, on a pris un peu de retard par rapport à Orange pour le déploiement, mais quand on ouvre une zone, on l’ouvre toute d’un coup, on a moins de problèmes d’accès entre voisins. On a cette maîtrise du planning. »
Fibre optique dans le Cher : le Département vise une couverture de 100 % en 2025
Mais éligibilité à la fibre ne signifie pas raccordement immédiat. « Quand une zone est ouverte commercialement, les gros opérateurs ne sont pas forcément là le jour de l’ouverture, prévient Pascal Bourdillon. Car ils font le choix de rajouter leur équipement dans les armoires techniques plutôt que de louer ligne par ligne comme le font les petits opérateurs », souvent plus rapidement présents en zone publique.
Du coup, des jours, des semaines voire des mois peuvent s’écouler en fonction de son fournisseur d’accès à internet. Et même en zone privée, les gros opérateurs ne se pressent pas toujours. Déploiement de la fibre optique dans le Cher, des difficultés de ... - Le Berry Républicain La fibre doit parfois passer en aérien.
« Le raccordement au domicile, c’est la bête noire », convient le directeur de Berry numérique. En cause, la sous-traitance en cascade dans le secteur, où quantité et qualité ne font pas toujours bon ménage : problème de formation et de rémunération de ces prestataires de rangs 2, 3, 4 qui, parfois, ne peuvent pas ou ne veulent pas faire des raccordements ; armoires techniques malmenées parce que le travail a été bâclé ; prestations et donc, parfois, malfaçons difficiles à tracer. « Une pression plus forte au niveau national devrait être mise sur les opérateurs », estime Patrick Barnier. En tant que collectivité, on est un peu démunis. »
Parmi les grands opérateurs, Orange défend le modèle Stoc (sous-traitance opérateur commercial) mais « il doit être amélioré », convient Éric Blanchet, directeur technique chez Orange.
Pascal Bourdillon porte cependant des espoirs avec le nouveau contrat signé début 2021 entre Berry numérique et les quatre gros opérateurs « pour faire évoluer la situation. » En cas de problème de raccordement au domicile, le directeur de Berry numérique conseille à l’usager « d’insister auprès de son opérateur commercial et de résilier son contrat et changer d’opérateur si un ou deux rendez-vous se sont mal passés. »
Environ 20 % des raccordements d’un nouvel abonné se solderaient par des difficultés.
Thomas Migault
Orange : « Il y a toujours des cas spécifiques »
Orange, qui sous-traite le déploiement de la fibre optique dans l’agglomération de Bourges et à Vierzon, annonce que 64.781 des logements sont raccordables sur 80.233, soit un taux de 81 % (87 % à Bourges et 67 % à Vierzon). « C’est plus bas à Vierzon car il y a beaucoup de logements raccordables en aérien qui nécessitent des études avec Enedis, explique Etienne Bordry, délégué régional d’Orange. Mais on est dans le timing, assure-t-il. 100 % des logements seront éligibles d’ici 2022. »
Face aux déconvenues de certains usagers pour accéder à la fibre, la direction d’Orange assure que « dans 90 % des cas, ça se passe bien. » Orange déploie la fibre selon une logique de lots, le cœur de ville est parfois plus compliqué. « Il y a toujours des cas spécifiques », admet Etienne Bordry. En cas de problème technique, le fournisseur d’accès à internet s’adresse à Orange. Interrogé récemment dans nos colonnes (le Berry républicain du 15 mars), le directeur technique Orange Marc Blanchet expliquait les difficultés d’accessibilité à la fibre pour certains habitants.
Il peut s’agir, selon lui, « d’une petite copropriété et mon syndic n’a pas voté l’accord pour être raccordable… Je peux aussi être au bout d’une allée où il y a un problème de génie civil, de fourreau à tirer. Ou, quand l’entreprise déploie, il y a un point de blocage, des travaux à organiser ; ça peut être aussi des autorisations à avoir. Il peut y avoir également besoin de poteaux et cela peut créer de fortes réticences. »
Ce qui explique que les habitants d’une même rue peuvent ne pas être logés à la même enseigne, si la fibre doit passer par voie aérienne ou souterraine, ou en cas de fourreau bouché. « Il y a des réalités techniques, explique Orange. Mais si un logement est éligible, il y a une solution. Les sous-traitants ont aussi des engagements, ils sont payés au raccordement. »
Pas toujours simple d’accéder à la fibre. Les témoignages d’usagers mécontents affluent sur leberry.fr.
À Bourges, Jean-Marie s’interroge : « Sur la carte de déploiement d’Orange, le 81 et le 85 route de Marmagne à Bourges sont fibrés et moi au 83 je ne peux pas… » Cet habitant de Pierrelay, à Bourges, peste lui contre le promoteur immobilier qui tarde à raccorder les maisons de son lotissement avec Orange « en plein boom du télétravail. Je n’y crois plus et mes voisins non plus », s’exaspère-t-il.
À Saint-Laurent, Clémentine, était toute contente d’apprendre, en novembre, qu’elle était éligible à la fibre. Une joie vite douchée par des rendez-vous annulés et des problèmes techniques pour trouver « le trou relais ». Deux mois et six rendez-vous plus tard – et un changement de société prestataire –, elle a enfin accès à la fibre. « J’ai bloqué six journées au total, ce fut une expérience désagréable », critique-t-elle.
Ce couple habitant La Chapelle-d’Angillon a fait construire sur un terrain vendu par la mairie il y a 7 ans. « Nous avons eu la désagréable surprise de découvrir que les raccordements à ce service s’arrêtaient à moins de 100 mètres de chez nous, témoignent-ils. Nous n’avons pas manqué de solliciter notre commune, notre communauté de commune. Ces dernières se sont déchargées de la responsabilité de cette situation sur le prestataire qui nous a proposé de procéder au raccordement… Mais à nos frais. » Pour eux, « la date d’un hypothétique raccordement n’est pas connue et peut être même illusoire. »
À Bourges, la rue Charlet a beau être aussi éligible à la fibre, quand les employés de l’opérateur de Sophie, qui habite une résidence avec trois propriétaires, sont passés : « Impossible de l’installer. Ils ne savaient pas où était le boîtier. Nous avons eu le même manège avec deux autres opérateurs. Ils ne savaient pas où étaient les câbles… Nous avons dû faire du forcing pour avoir l’ADSL… »
À Fenestrelay, commune de Saint-Germain-du-Puy, Julien dit ne pas être « raccordé ni raccordable » dans son lotissement « alors que toutes les rues nous entourant le sont. La réponse d’Orange est de voir avec la mairie pour faire une demande de raccordement ou de faire un courrier recommandé afin d’obtenir un expert pour obtenir 35 mètres de fibre en souterrain pour raccorder les dix habitants… »
1 commentaire
zigomar a posté le 27 mars 2021 à 09h07
Faire vite et bien ? En faisant appel aux moins disant pour les marchés c’est évidement très compliqué, dans cette société ou la course aux profits est privilégiés. Et que dire de la future stabilité des réseaux, nous courons peut-être à pannes sur pannes dans l’avenir. Mais cela, les décideurs n’y avaient pas pensé un instant ?? Les habitants, les futurs habitants n’attendent pas des effets d’annonces… Ils veulent un peu plus de sérieux dans les décisions prisent avec leurs impôts.
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