Selon une jurisprudence constante, des salariés peuvent être licenciés pour motif économique lorsque l’entreprise cesse son activité de manière « totale et définitive ». Mais comment s’applique cette règle au sein des groupes ? Peut-on considérer qu’une filiale cesse son activité alors que cette dernière, en réalité, est reprise par une autre société du groupe ? La Cour de cassation répond par l’affirmative dans deux arrêts récents et valide ainsi les licenciements prononcés. Un mauvais signal envoyé aux salariés.
Cessations d’activité : quel contrôle du juge ?
Comment, concrètement, vérifier qu’une entreprise cesse son activité de manière totale et définitive ? Quel périmètre faut-il retenir lorsqu’elle appartient à un groupe ? Faut-il se placer à hauteur de l’entreprise ou examiner la situation du groupe dans son ensemble ? La question est cruciale. Lorsqu’un employeur licencie en raison de difficultés économiques, de mutations technologiques, ou invoque une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, le juge vérifie la pertinence de ces arguments à l’échelle du secteur d’activité du groupe (lorsqu’il existe). Cette règle de droit, posée par l’article L. 1233-3 du Code du travail, vise à protéger les salariés de certaines stratégies déployées à grande échelle, notamment celle qui consiste à démunir une filiale au profit d’une autre pour mettre en œuvre un plan de licenciements. Il serait donc pour le moins logique d’appliquer ce même raisonnement aux licenciements économiques décidés dans un contexte de cessation d’activité. À charge pour les juges de traquer les découpages, montages, transferts et restructurations effectuées au sein du groupe pour pointer les fraudes éventuelles… et empêcher ainsi des licenciements décidés dans le seul but d’augmenter les profits. Ce n’est malheureusement pas la voie choisie par la Cour de cassation dans ses deux arrêts du 6 avril 2022.
Activités transférées au sein du groupe
Dans la première affaire (no 20-23234), le contrat de travail d’un conseiller formation, embauché en 2011, est transféré en 2016 à une autre société du groupe… qui met la clef sous la porte onze mois plus tard. Le salarié conteste son licenciement. Selon lui, la cessation d’activité invoquée par l’employeur n’est qu’un leurre. L’activité de formation a été, en réalité, transférée au sein d’autres entreprises du groupe. Il n’y a donc pas cessation « totale et définitive » de l’activité de l’entreprise, ce qui prive son licenciement de cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Dans une formule lapidaire, elle estime que le transfert de l’activité de la société au sein d’autres filiales n’empêche pas de considérer qu’il y a cessation totale et définitive de celle-ci. Selon la Haute Cour, le licenciement du salarié est donc parfaitement justifié.
Un second arrêt, rendu le même jour, adopte une solution identique (Cass. soc. 6 avr. 2022, no 20-19305). Dans cette autre affaire, neuf salariés contestaient leurs licenciements « pour motif économique ». Ils estimaient que ceux-ci étaient imputables à la passivité fautive de l’employeur, qui s’était laissé dépouiller de ses clients et moyens de production, repris par d’autres sociétés du groupe. La cessation d’activité de l’entreprise, décidée dans le seul intérêt du groupe, n’était donc pas totale et définitive. Mais, là encore, ces arguments sont rejetés. La Cour de cassation reconnaît que certains moyens de production de l’entreprise ont bien servi à la poursuite de l’activité par une autre société du groupe… mais l’employeur ayant décidé de licencier l’ensemble de son personnel et de louer ses locaux à des tiers, il y a bien cessation totale et définitive de l’activité de l’entreprise. Circulez, y a rien à voir…
Action en justice des syndicats
Maigre consolation : la Cour de cassation rappelle, dans le second arrêt, que les syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, agir aux cotés des salariés, en présence de faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. La défense de l’emploi en fait partie. La demande du syndicat, jointe à celles des salariés concernés par une fermeture de l’entreprise, est donc recevable (Cass. soc. 6 avr. 2022, no 20-19305). Une option à retenir car, dans le cas où une faute commise par l’employeur est reconnue comme étant à l’origine de la cessation d’activité, les licenciements sont alors jugés sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 8 juillet 2020, n° 18-26140).
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