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Adolf Hitler et son ministre de la Propagande Joseph Goebbels, en 1933.
Archives Snark / Photo12 via AFP
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Tout les différenciait, de l’alcool à l’art de gérer les hommes. Dans Hitler et Churchill (Perrin), l’historien anglais Andrew Roberts revient sur l’opposition totale entre le Führer nazi et le “Vieux Lion” britannique, se penchant plus particulièrement sur leur leadership. En plein conflit ukrainien, les leçons de ce livre d’histoire restent plus que jamais d’actualité : selon ce biographe de Churchill, si les dictatures ont un net avantage quand il s’agit d’entrer en guerre, les démocraties s’avèrent in fine les meilleures pour les gagner…
L’Express : Difficile, sur le plan personnel, de faire plus opposés qu’Hitler et Churchill. L’un ne buvait quasiment pas d’alcool et ne fumait pas. L’autre était un bon vivant amateur de cigares et de whisky…
Andrew Roberts : Churchill adorait la nourriture, et avait un appétit énorme. Il buvait beaucoup, mais chose extraordinaire, était rarement ivre. Il avait des capacités pachydermiques. L’un de ses grands amis, le journaliste C.P Snow, disait : “Winston n’est pas un alcoolique, car aucun alcoolique ne peut boire autant.” Pendant la Seconde Guerre mondiale, il arrivait à Churchill de boire du whisky jusqu’à 3 heures du matin. Mais durant ces cinq ans où il a été Premier ministre en temps de guerre, je n’ai recensé que deux occasions où il a été saoul, alors qu’il faut imaginer à quel point sa fonction était stressante.
Hitler, lui, n’était pas complètement abstinent en matière d’alcool, parce que, de temps à autre, il “avalait de l’eau ou de la bière quand il avait la gorge sèche”, selon sa déposition lors du procès de 1924, suite au putsch de la brasserie de Munich. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il fit un jour remarquer qu’on ne pouvait pas faire grand-chose à court terme pour modifier les habitudes de la population en matière de nourriture et de boisson, mais qu’après la guerre il allait “s’occuper de la question”.
Quels chefs de guerre étaient-ils ?
Il est très intéressant d’observer comment le style de commandement respectif de Churchill et d’Hitler a évolué au cours de la guerre : alors que le premier s’est de moins en moins impliqué dans la conduite militaire de celle-ci au jour le jour, le second s’est mis à vouloir gérer toujours davantage chaque opération.
Au départ, Hitler a su déléguer à ses généraux. Ce n’est pas lui qui a inventé le concept de guerre éclair, ni conçu les plans des opérations pour envahir la France. Le crédit en revient à Erich von Manstein. Mais Hitler a compris que si cette tactique comportait de gros risques, elle offrait néanmoins un élément crucial : la surprise. Cependant, suite à plusieurs victoires, Hitler a fini par être convaincu qu’il était le plus grand chef de guerre de l’Histoire, en croyant à la propagande de Goebbels, qui le présentait comme tel. Après l’invasion de l’URSS en 1941, il s’est impliqué toujours plus dans le moindre détail des opérations militaires, qui auraient été bien meilleures si elles avaient été laissées aux commandants sur place. Tandis que la guerre s’enlisait à l’Est, il a ainsi de plus en plus joué le rôle d’un général de division et non celui d’un commandant en chef.
A l’inverse, Churchill a appris à déléguer. Au début de la Seconde Guerre mondiale, en tant que premier lord de l’Amirauté avec la responsabilité de l’ensemble des opérations navales, il a eu tendance à s’occuper de tout, jusqu’à spécifier la taille du drapeau flottant devant l’Amirauté. Mais ensuite, il a su prendre du recul, considérer les choses dans un contexte plus large et octroyer bien plus de liberté à ses généraux.
Vous soulignez aussi qu’Hitler a fait primer la loyauté de ses généraux sur la compétence…
Churchill n’a pas hésité à remplacer des généraux en cas d’échec. Alors qu’Hitler a toujours privilégié les positions politiques des militaires à leurs résultats. Il pouvait être très indulgent avec les nazis fanatiques ou ceux qui lui étaient fidèles. Göring est un bon exemple, lui qui a passé plus de temps en forêt à chasser que dans son ministère de l’Air. N’importe quel dirigeant aurait relevé de son commandement un tel spécialiste de l’échec en série. Göring est responsable de la déroute de la Luftwaffe à Dunkerque, qui a permis à la grande majorité des troupes alliées encerclées de s’échapper par la Manche. Il avait également promis que jamais un seul bombardier britannique n’atteindrait l’Allemagne. Mais pour Hitler, le fait que Göring soit membre du parti nazi depuis 1922 comptait plus que ses compétences. Il s’est d’ailleurs trompé sur sa fidélité, puisque, à la fin, Göring comme Himmler l’ont trahi.
Un autre exemple, hilarant, est celui de Bruno Gesche, chef de la garde personnelle d’Hitler, qu’il avait lui aussi rejoint dès 1922. Gesche était un alcoolique notoire. En 1942, il était tellement ivre qu’il a menacé un de ses camarades officiers SS en pointant son pistolet sur lui. C’était la pire personne pour occuper un poste de garde du corps ! Et pourtant, Hitler ne l’a renvoyé que quelques mois avant la fin de la guerre, car il était certain de sa loyauté.
Churchill était un “workalcoolic”, alors qu’Hitler détestait les réunions et lire les dossiers, dites-vous…
Hitler était foncièrement paresseux. Il croyait tellement en son génie qu’il pouvait se passer de la documentation. Il avait horreur des réunions et ne s’intéressait pas aux rapports dans leurs détails. C’est là encore l’opposé complet de Churchill, qui voulait avoir certains éléments pour pouvoir argumenter face au cabinet de guerre et aimait s’appuyer sur des données précises.
On retrouve là une grande différence entre les démocraties et les régimes autoritaires. Un dictateur sait qu’il ne sera pas contredit par ses subordonnés, et n’a donc pas besoin de faire ses devoirs. Alors que ce qui a permis à Churchill de ne pas commettre certaines erreurs militaires potentiellement désastreuses, c’est qu’il respectait ceux qui lui tenaient tête et ne mâchaient pas leurs mots. C’est pourquoi les démocraties sont bien plus efficaces en temps de guerre, car il y a un échange d’idées entre les ministres et les généraux.
“Hitler avait du charisme, pas Churchill”, écrivez-vous. Pourquoi ?
Le charisme est une construction très artificielle. Vous ne naissez pas charismatique. Cela peut s’acquérir grâce à des succès, mais aussi grâce à des techniques. Hitler l’est devenu, aux yeux des Allemands, par un culte de la personnalité savamment mis en scène dans de grands rassemblements organisés par Albert Speer ou via la propagande de Goebbels. Il laissait rarement paraître ses émotions et évitait soigneusement les situations où il fallait exprimer des sentiments humains ordinaires. Hitler avait beau être myope, il ne portait jamais de lunettes en public, afin de ne pas entamer son image de surhomme aryen. Ses secrétaires devaient utiliser des caractères d’une grosseur inhabituelle pour qu’il puisse lire ses discours.
A l’inverse, vous pouviez aisément vous imaginer boire un verre ou faire des blagues avec Churchill. Il n’avait cure de son apparence physique. On le voyait souvent au travail en robe de chambre et en chaussons. Il lui arrivait de se déshabiller sans complexe et de prendre un bain devant son personnel et ses collègues masculins. Il montrait aussi ses émotions, et pleurait aisément.
Aujourd’hui, Churchill est accusé d’être un impérialiste et un raciste. Sa statue à Londres a même été vandalisée dans le cadre de manifestations antiracistes. Qu’en pensez-vous ?
Churchill croyait en une hiérarchie des races. Il avait 8 ans à la mort de Darwin, à une époque où le racisme était considéré comme un fait scientifique. Il faut ainsi le voir comme un homme de son temps.
Mais si Churchill faisait des blagues racistes, il n’a jamais souhaité du mal aux populations non blanches. Il s’est battu pour libérer le Soudan de l’esclavage et bien sûr contre les Boers, détestant leur façon de traiter les populations autochtones en Afrique du Sud. En un sens, ce qu’il a dit et ce qu’il a fait dans ce domaine étaient deux choses bien différentes.
Il est difficile de ne pas penser à la situation en Ukraine en lisant votre livre. Volodymyr Zelensky vous semble-t-il être une figure churchilienne?
Oui, totalement. Dans son discours prononcé en mars devant le Parlement britannique, Zelensky a directement évoqué Churchill, en déclarant : “Nous nous battrons jusqu’au bout, en mer, dans les airs. Nous continuerons à nous battre pour notre terre, coûte que coûte, dans les forêts, dans les champs, sur les rives, dans les rues.”
Zelensky s’est aussi montré churchillien en refusant de quitter Kiev, quand bien même il était menacé par des assassins russes. C’est même plus courageux que ce qu’a fait Churchill. Si ce dernier pouvait grimper sur le toit de l’Amirauté pour observer les combats aériens durant le Blitz, ce qui était déjà très brave, aucune troupe paramilitaire allemande ne circulait dans les rues de Londres. Face à la menace d’invasion allemande en 1940, Churchill a en tout cas fait savoir à ses ministres que “si la longue histoire de notre île [devait] enfin se terminer, qu’elle ne se termine que lorsque chacun de nous agonisera en gisant au sol dans son propre sang”. Tandis que la famille royale devait être évacuée pour poursuivre le combat au Canada, lui avait personnellement résolu d’en finir dans la capitale de son pays.
A l’inverse, peut-on faire un parallèle entre Poutine et Hitler ?
Je n’aime pas les comparaisons avec Hitler. C’est une figure diabolique qui a une place à part dans l’histoire. Aucun dictateur actuel n’extermine des millions de personnes dans des chambres à gaz. Comparer un dirigeant contemporain à Hitler, c’est forcément relativiser la Shoah.
Cela dit, même si la guerre en Ukraine illustre toute l’incompétence et la brutalité du régime russe actuel, Poutine n’est pas encore arrivé au niveau d’Hitler en ce qui concerne les erreurs militaires. Devant la chambre des Communes, Churchill s’est même dit ravi qu’Hitler ait échappé à la tentative d’assassinat du 20 juillet 1944. “Lorsque M. Hitler a échappé à sa bombe (…), il a qualifié sa survie de providentielle. Je crois que d’un point de vue purement militaire, nous pouvons tous être d’accord avec lui, car il est bien certain que ce serait extrêmement malencontreux que les Alliés soient privés, au cours des dernières phrases des combats, de cette forme de génie guerrier par laquelle le caporal Schicklgruber [NDLR : le premier nom du père d’Hitler, enfant illégitime] a si notoirement contribué à notre victoire”, a-t-il déclaré.
Son assassinat aurait-il changé le cours de l’histoire ?
Après la défaite claire en 1945, l’Allemagne est devenue un modèle démocratique. Elle est même aujourd’hui, à mon goût, trop pacifique et passive en ce qui concerne la guerre en Ukraine… Mais si Hitler avait été tué le 20 juillet 1944, on aurait assisté à une nouvelle “Dolchstosslegende”, ou “mythe du coup de poignard dans le dos” qui avait tenté de disculper l’armée allemande de la défaite de 1918 en l’imputant, entre autres, aux socialistes ou aux juifs. Des revanchards nazis auraient ainsi assuré que si le Führer n’avait pas été assassiné, ils auraient pu gagner la guerre. Et cela aurait été désastreux pour le renouveau démocratique de ce pays.
Par ailleurs, si Göring ou Himmler avaient pris la suite et évité les nombreuses bourdes stratégiques commises par Hitler au cours des derniers mois de la guerre, l’Allemagne nazie aurait même pu tenir plus longtemps…
“Hitler et Churchill” par Andrew Roberts. Perrin, 380 p., 23 €.
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