“Je leur ai dit notre admiration, notre respect, notre soutien, car leur combat est celui des valeurs qui sont notre devise, est celui d’un universalisme de liberté auquel nous croyons”, a estimé Emmanuel Macron dans un entretien à France Inter diffusé lundi et enregistré vendredi à l’Élysée après une rencontre avec quatre militantes iraniennes, en marge du Forum de Paris sur la Paix.
Pour le président français, ces femmes portent ce combat “avec un courage exceptionnel, au prix de leur vie, de celle de leurs proches”. Depuis deux mois, l’Iran est le théâtre de manifestations après la mort, le 16 septembre, de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, arrêtée trois jours plus tôt par la police des mœurs pour avoir enfreint le strict code vestimentaire de la République islamique.
La réception de cette délégation – composée de Masih Alinejad, une militante basée à New York qui encourage les femmes iraniennes à protester contre l’obligation du port du voile, Shima Babaei, qui se bat pour avoir des informations sur son père dont elle est sans nouvelles, Ladan Boroumand, cofondatrice d’une organisation de défense des droits basée à Washington, et Roya Piraei – a été vivement critiquée par le régime iranien, qui a fustigé dimanche une “violation flagrante” des responsabilités de la France dans la lutte contre “le terrorisme et la violence”.
Les femmes iraniennes qui protestent “viennent à l’encontre de beaucoup d’idées toutes faites que l’on entend depuis tant et tant d’années”, a estimé Emmanuel Macron au cours de cet entretien. “Comme quoi les valeurs que nous défendons sont bonnes pour l’Occident, mais pas vraies là-bas. Que les femmes, au fond, étaient heureuses de vivre dans cette situation d’obscurantisme et que d’ailleurs, culturellement, les hommes ne les soutiendraient pas si elles voulaient en sortir”, a-t-il dit. Avant de saluer que c’est bel et bien “tout l’inverse qui est démontré par cette génération”, soulignant la mobilisation de nombreux hommes aux côtés des femmes.
“Les petits enfants de la révolution font une révolution. (…) Ce qui est le plus impressionnant, dans ce mouvement, cette révolution, c’est que ce sont des jeunes femmes et des jeunes hommes qui n’ont jamais vécu que sous ce régime. Ils ont vécu avec cette République islamique d’Iran, sont nés après 79”, poursuit le chef de l’État. “Ces femmes disent : ‘On vous ment en notre nom, parce que n’allez pas croire que, ce voile, nous le portons avec bonheur. Nous voulons nous en débarrasser ou, en tout cas, avoir la possibilité de choisir”, estime également Emmanuel Macron.
“Les valeurs qu’ils et qu’elles défendent ne sont pas des mots (…) Qu’ils n’oublient jamais qu’ils se battent, pas simplement pour eux et pour elles, mais pour des valeurs, pour un universalisme que nous portons”, ajoute-t-il.
Comment aider ces militantes et militants qui se battent en Iran ? “Au niveau européen, nous sommes quelques-uns à pousser pour des sanctions ciblées sur en particulier des pasdaran et des personnalités du régime.” Pour le président français, la question de considérer le régime iranien comme terroriste “se pose évidemment de plus en plus”. “Je suis, en tout cas, favorable à ce que nous ayons une réaction diplomatique forte et des sanctions sur les personnalités du régime qui ont une responsabilité dans ce qui se passe et dans la répression de cette révolution”, indique Emmanuel Macron.
Si certaines personnalités sont déjà sanctionnées, le président de la République affirme que “certains ne le sont pas encore”, dont des Gardiens de la révolution et “qu’un travail a été fait au niveau européen avec des listes complémentaires” pour “améliorer le ciblage, la précision de ces sanctions”.
“La grande difficulté, dans ces cas-là, c’est d’être sûr que les sanctions ont une efficacité, qu’elles ne pèsent pas sur la population, on y veille toujours, et d’être sûr que vous sanctionnez les bonnes personnes, c’est-à-dire celles et ceux qui sont au cœur du système”, indique le président français qui fait part de son souhait de réunir une nouvelle conférence de Bagdad pour “engager les pays voisins” et assure “regarder toutes les hypothèses et options diplomatiques”.
Interrogé sur sa poignée de main avec le président iranien Raïssi en marge de l’Assemblée de l’ONU en septembre, quelques jours après la mort de Mahsa Amini, Emmanuel Macron assume ce geste, tout en expliquant “respecter profondément l’émotion, le dissensus, et même la révolte qu’il peut soulever”.
Toutefois, il s’explique : “De là où je suis, le rôle le plus utile, c’est de mener un travail diplomatique. Et la diplomatie, c’est de parler avec des gens avec lesquels on n’est pas d’accord. Et d’essayer de réduire ces écarts et de faire œuvre utile. Et donc, c’est ce que j’ai fait avec le président Ibrahim Raïssi, comme je l’avais fait avec son prédécesseur. (…) Quelles que soient les situations de guerre, de révolution intérieure, je pense que c’est le devoir de la France de parler.” Le président français indique qu’il souhaite suivre la même logique à propos de la guerre en Ukraine : envisager à la fois des négociations de sortie de conflit, et poursuivre le soutien matériel et humanitaire aux Ukrainiens.
À propos de la livraison assumée de drones iraniens aux Russes avant le début du conflit, Emmanuel Macron se garde toutefois de considérer le régime de Téhéran comme belligérant. “Livrer du matériel militaire est un soutien. Mais il ne fait pas de vous une partie prenante. C’est exactement d’ailleurs la grammaire, si je puis dire, que nous nous appliquons à nous-même. Nous ne sommes pas partie prenante de la guerre, mais nous apportons un soutien humanitaire, économique et militaire à l’Ukraine.”
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