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Ghazi Rabihavi : « En Iran, c'est une nation qui se bat » – Le Point

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ENTRETIEN. « Le Sourire de Mariam », roman enfin traduit de l’écrivain iranien, dépeint la condition de la femme il y a trente ans. Des pages… toujours d’actualité.
Temps de lecture : 5 min
Second roman traduit en français de Ghazi Rabihavi par Christophe Balaÿ, après le succès des Garçons de l’amour, en lice il y a deux ans pour le prix Médicis, Le Sourire de Mariam écrit voici trente ans, en persan, à Téhéran, contient des pages sur la situation des femmes iraniennes qui pourraient être d’aujourd’hui. Ainsi : « Ces innombrables agents qui patrouillent dans la rue pour surprendre ces rencontres et toucher leur récompense. »
Les mêmes qui arrêtent les femmes non voilées dans la rue et les envoient en prison. Le Guide de la révolution avait déclaré dès les premiers jours de la victoire : « Nous nous intéressons jusqu’à l’intimité de votre chambre. Nous voulons savoir tout ce qui s’y passe et comment ! » Selon lui, tout cela faisait partie de la morale de la révolution.
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Depuis Londres où il est exilé, depuis plus de 25 ans, le romancier natif d’Abadan (en 1956) se consacre à son œuvre et réalise aussi des courts-métrages, dont la femme est souvent le sujet principal, toujours en lien avec son pays natal. Le Sourire de Mariam met en scène un couple, Ozra et son mari Issah, qui cherche à retrouver leur amour d’antan, abîmé par les conditions de vie déplorables dans un immeuble délabré de Téhéran. C’est le seul endroit que ce couple de réfugiés du sud du pays a trouvé pour s’abriter, avec leur petite fille handicapée, Mariam, victime collatérale de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Leurs monologues, où ils s’adressent l’un à l’autre, alternent avec les scènes remarquablement vivantes, drôles, rageuses, râleuses, fraternelles, de leur quotidien sous la révolution islamique. Avec nostalgie s’égrènent les moments heureux du temps de leurs études, celui de l’amour et du militantisme. C’est une page de l’histoire de l’Iran que retrace ce beau livre, éventail d’émotions, dont l’écriture, jamais triste, reporte aux premiers temps de la république islamique. Son écho, au regard de la situation en Iran, est aujourd’hui d’autant plus fort. Et le sourire de l’enfant qui ne peut ni marcher ni parler a été choisi volontairement par l’auteur pour titre de son livre, « quelque chose de beau, de bon », nous dit-il. Entretien.
Le Point : Dans quel contexte avez-vous écrit Le Sourire de Mariam à Téhéran ?
Ghazi Rabihavi : Je voulais écrire sur les réfugiés qui arrivaient à Téhéran au début des années 1980 : comme vous le savez, il y a eu huit ans de guerre entre l’Iran et l’Irak, et les gens qui vivaient dans le sud du pays ne pouvaient pas y rester à cause de la guerre, alors ils quittaient leurs maisons, leurs villes, et cherchaient un lieu pour vivre dans la capitale, sans aucun soutien du gouvernement, gagnant leur vie difficilement. Ils se retrouvaient souvent dans une seule pièce pour toute la famille, où ils vivaient pendant très longtemps, totalement ignorés. Ces familles préféraient rester dans ces cages que je décris, plutôt que de retourner chez eux. J’ai connu cela moi-même dans ma famille. J’ai écrit sur ce couple pour parler de ces Iraniens oubliés et livrés à eux-mêmes, car la république islamique ne voulait pas parler de cet aspect de la guerre : il fallait dire qu’elle avait gagné, et que tout allait bien. Je ne pouvais rien faire pour eux, mais je pouvais écrire, oui.
Ce roman, que voici traduit en français, n’a pu voir le jour en Iran. Racontez-nous pour quelles raisons.
Début 1990, l’éditeur l’envoie au ministère, celui chargé de donner l’autorisation, sachant que nous, les auteurs iraniens, nous nous autocensurons, avant même d’envoyer le texte. Après quatre ans d’attente, quatre longues années, j’ai refusé les coupes exigées par la censure, c’en était trop. Le livre n’a donc paru pas en Iran, mais à l’étranger, en Angleterre, en Allemagne. C’est en exil que je me suis mis à réécrire certaines scènes, érotiques notamment, auxquelles je tenais, écrites exactement comme je le voulais, et c’est le livre que vous avez entre les mains.

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Notamment cette scène magnifique où ces jeunes gens s’aiment à se déchirer la peau, à travers la grille d’une maison. Est-ce autobiographique ?
Non ! C’est le fruit de mon imagination, mais il est vrai que, tout jeunes, quand nous tombions amoureux d’une voisine, cela nous est arrivé de nous embrasser entre les barreaux. C’est l’amour en cage… Même faire l’amour est une torture.
Quel était le rêve de vos jeunes héros ?
Ce sont ces gens de ma génération, jeunes nous étions impliqués et militants, mais notre génération a échoué, car la situation a empiré. Nous croyions alors au socialisme, à la justice et à l’égalité, avec un gouvernement qui nous soutenait, et la fin de la monarchie. Mais cela n’a pas tourné comme cela, et nous avons été piégés avec ce régime religieux. Mes personnages Ozra et Issa sont inspirés par des personnes que j’ai connues de très près, toute une équipe que nous formions à l’université, du temps où les filles et les garçons vivaient normalement, sortaient ensemble…
Comment comparer la période que vous décrivez à celle que connaissent aujourd’hui les femmes, que l’on voit manifester dans les rues, mouvement inédit dans son ampleur ?
Les femmes en Iran ont toujours été actives, pendant la révolution en 1979, et, ensuite, elles ont tenté de manifester contre la façon dont ce régime les a traitées, les tenant enfermées dans les maisons. Maintenant, elles sont dans les rues, luttent pour leur liberté. Le régime est le grand ennemi, on peut espérer, mais cela n’est guère encourageant vu le contexte du pays. La flamme s’est rallumée, mais elle a toujours été là, elle retombe puis se rallume de nouveau autour du nom d’une jeune femme. Le temps est venu de dire « Non, on ne veut pas de ce hidjab ». Mais les hommes sont là aussi, les rejoignent, les aident, c’est une nation qui se bat. Que faire face à ce régime ? Ils sont d’une telle brutalité, ils ont les armes, tuent les gens, et ne vont pas s’arrêter, car ils ne laisseront pas le pouvoir. Le peuple a les mains nues, il déferle dans les rues, et les gens sont abattus. Je n’ai jamais vu ça, parce que, quand j’étais jeune en Iran, il y a eu des morts dans les rues, mais la révolution était tranquille par rapport à ce que l’on voit, et quand le chah a quitté l’Iran, même l’armée était aux côtés du peuple, ce qui n’a rien à voir avec le régime actuel. Combien de temps les gens se feront tuer ? C’est terrifiant. Le peuple iranien a vraiment besoin d’aide. Mais je ne suis pas bien placé pour parler de la situation de mon pays dans lequel je ne vis plus. Je suis à Londres, et j’écris. La situation est très difficile pour les écrivains en Iran, on ne se sait pas ce qui se passe réellement. Il faut faire attention.

Ghazi Rabihavi : « En Iran, c'est une nation qui se bat » - Le Point
Le nouveau roman traduit en français de l’écrivain iranien.

Le Sourire de Mariam, de Ghazi Rabihavi, traduit du persan par Christophe Balaÿ, Serge Safran éditeur, 288 p., 22,90 €
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« Nous nous intéressons jusqu’à l’intimité de votre chambre.
Nous voulons savoir tout ce qui s’y passe et comment ! »
de KHOMEINI

Nous avons définitivement échappé en occident à ce type de dictature idéologique,
Et ce, depuis que la religion est cantonnée hors la sphère politique et publique !
TANT MIEUX !
Combien de temps encore, pour qu’il en soit ainsi en IRAN ?
Le plus tôt sera le mieux !
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