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Appel à la création d'un Observatoire socialiste de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche – PS

Thème : Enseignement et Recherche
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État des lieux
Il y a pratiquement vingt ans naissait le mouvement “Sauvons la recherche” en réaction au projet de la loi d’orientation et de programmation pour la recherche et l’innovation du gouvernement Raffarin. Dénonçant la faiblesse des moyens alloués à l’Enseignement supérieur et à la recherche (ESR), l’association du même nom a reçu le soutien de plus de 75 000 chercheurs et 250 000 citoyens. (1)
Vingt ans plus tard, l’état des lieux est toujours aussi dramatique. Avec un pourcentage du PIB consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE et bien loin de l’objectif affiché des 3%, la France sous-investit dans sa recherche. (2) Ce constat est encore plus alarmant dans l’ESR, avec un budget en pourcentage du PIB qui baisse depuis 2009. (3)
Pourtant, ce n’est qu’avec le concours indispensable des connaissances scientifiques dans tous les domaines que nous pourrons répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain, tels que de la lutte contre les pandémies, la robotisation et la digitalisation de notre économie, ou l’urgente transition écologique de notre système de production et de nos modes de consommation. Qui peut imaginer construire ce futur sans accorder une place centrale à la connaissance et la formation que peuvent dispenser la recherche et l’enseignement supérieur ?
A cela s’ajoute une évolution profonde de l’enseignement supérieur due aux réformes mises en œuvre au cours des dernières années. L’instauration de Parcoursup a définitivement mis fin à la règle du libre accès à l’université posée par la loi Savary de 1984, conduisant à accroître l’offre de formation supérieure privée pour pallier la limitation du nombre de places à l’université. Le manque de moyens, puis le confinement, ont davantage éloigné les étudiants des enseignants, en systématisant dans de nombreux établissements, les enseignements à distance, dégradant encore la pédagogie et particulièrement les relations entre étudiants et enseignants.
Pour réenchanter nos lendemains, le parti socialiste se doit de réfléchir à la place et à l’organisation de l’ESR dans la société, ainsi qu’aux moyens qui peuvent y être alloués. Il se doit aussi de proposer une approche de l’éducation permettant aux élèves et aux familles de se projeter dans un parcours de vie où l’accès à la formation puis à l’emploi soient fluides et possibles pour tous.
Dans cette optique, il nous semble judicieux que le parti se dote d’un outil permanent de réflexion et de discussion avec le monde de l’ESR. Dans les années 80 et 90, cette fonction était assurée par la “commission recherche”. Tombée en désuétude avec le temps, cette dernière ne s’est plus réunie depuis la défaite de 2017.
La présente contribution propose donc de créer un Observatoire de l’enseignement supérieur et de la recherche, sous la direction d’un secrétariat national dédié à l’ESR, capable de contribuer à l’élaboration d’une politique de notre parti dans ce domaine essentiel. Le reste de cette contribution énumère quelques thèmes et objectifs qui pourraient servir de base au programme de travail de l’Observatoire de l’ESR.
 
Axes de travail
Revalorisation des métiers de la recherche et de la défense des libertés académiques.
Les comparaisons internationales sont alarmantes pour les métiers de la recherche en France. (4) La question du salaire est primordiale. A cela s’ajoute une dégradation des conditions de travail : une multiplication des tâches et des responsabilités administratives, une réduction des équipes de soutien à la recherche, une dégradation des conditions matérielles à l’université, un financement de la recherche trop faible et trop souvent par projet qui oblige les chercheurs à consacrer une partie important de leur temps à chercher des financements plutôt que des résultats…
Ces dernières années ont vu s’accroître le nombre postes d’enseignant-chercheur avec un financement prévu pour une durée limitée : chaires de professeur junior, post-doctorat financé par projet via l’ANR.
L’Observatoire devra aussi s’interroger sur l’origine et les modalités de choix les thématiques de recherche, entre décision des chercheurs en toute indépendance, priorités fixées par les instances administratives et politiques, et intérêts du secteur privé. Il faut chercher le bon curseur entre la valorisation et la défense des libertés académiques et l’intégration de la recherche dans la société pour répondre à ses besoins économiques et culturels.
Rappelons aussi que la recherche scientifique et l’enseignement supérieur ont des dimensions européennes et mondiales de coopération et de concurrence, ne serait-ce qu’à la lumière de la pratique des équipes scientifiques, du fonctionnement d’organismes comme Erasmus et de l’actualité sanitaire, climatique ou spatiale.
Enfin, l’Observatoire devra avoir à cœur de promouvoir l’égalité femme-homme au sein des métiers de la recherche : en 2017 les femmes ne représentaient toujours que 27% des professeurs d’universités. (5)
 
Structure de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ces dernières années ont été marquées par un regroupement entre différents établissements de l’ESR. Association d’établissements, communauté d’université et d’établissement, établissements publics expérimentaux, les formes de ces regroupements sont multiples et difficilement lisibles pour les non-initiés et notamment pour les étrangers. Il est temps de faire le bilan de toutes ces structures et de deux décennies de rapprochement d’institutionnels.
De la même façon, il est temps de faire le bilan de la multiplication des instances de financement de la recherche. Le CNRS et l’ANR, ont aujourd’hui des rôles distincts bien identifiés parmi les professionnels de l’ESR (et même au-delà) qu’il ne semble pas pertinent de remettre en question.
L’ESR en France présente une particularité par rapport aux autres pays : son système entre universités, grandes écoles et grands établissements. Avec des cycles différents le système est particulièrement complexe pour un néophyte. Le système gagnerait à une simplification et à une meilleure identification des passerelles et débouchés qui existent entre les différentes formations.
Il serait aussi judicieux d’aborder la question de l’évaluation des établissements de l’ESR et de la place du classement de Shanghai. L’Allemagne ne compte aucune université parmi les 50 premières du classement (la France en compte trois). Pourtant, l’enseignement supérieur allemand et sa recherche universitaire sont-ils de plus mauvaise qualité qu’ailleurs ?
Une réflexion sur les dynamiques locales inter-établissements, et sur les spécialisations en lien avec les particularités territoriales est nécessaire pour assurer un bon maillage territorial et faciliter un accès démocratique à l’enseignement supérieur.
 
L’accès à l’enseignement supérieur et la réussite étudiante
Parcoursup devait permettre la fin du tirage au sort, et une meilleure orientation des étudiants afin de lutter contre l’échec en licence. Avec 22 092 jeunes sans formations en 2021 et un impact sur le taux d’échec en licence insignifiant, Parcoursup est aujourd’hui un échec. (6)
En introduisant la sélection à l’Université et des limites de place, Parcoursup a créé un marché pour les formations pédagogiquement non sélectives et payantes. Ces dernières prospèrent et se multiplient : en 2020-2021, la progression des effectifs dans l’enseignement privé et coûteux (+ 5,1%) est supérieure à celle dans l’enseignement public (+ 1,3%). (7) 592 600 étudiants y sont inscrits, soit 21% des effectifs du supérieur. (8)
Avec près d’un étudiant sur deux qui échoue en première année, et un tiers qui abandonne l’université sans aucun diplôme, l’échec à l’université représente un véritable gâchis humain. (9) Si l’augmentation des moyens dont disposent les universités pour innover pédagogiquement est cruciale, il est judicieux, vue l’importance de la problématique de l’échec en cours de formation, de réfléchir à une évolution du cycle de Licence.
A ces problématiques s’ajoute un enjeu d’information et d’orientation. Les étudiants n’ont parfois qu’une visibilité partielle des débouchés et des passerelles qui existent dans l’enseignement supérieur, voire même des formations elles-mêmes, et cela de la première année jusqu’au doctorat.
Enfin, la situation paradoxale des étudiantes qui réussissent mieux que les hommes mais qui connaissent pourtant une intégration professionnelle moins favorable doit nous conduire à aborder systématiquement ces sujets de façon genrée.
 
La condition étudiante.
La question des conditions de vie des étudiants n’est pas seulement une question sociale, mais aussi un élément impactant le niveau de formation des prochaines générations. Pour améliorer les conditions de vie des étudiants, trois pistes doivent être étudiées.
Tout d’abord celle du logement étudiant, premier poste de dépense des jeunes, qui réduit leur mobilité. Ensuite celle du financement des études et de la refonte du système d’aide qui existe actuellement. Plusieurs options méritent d’être étudiées, comme la question du salaire étudiant, du RSA ou de la refonte et l’approfondissement du système boursier. Enfin, la question de la compatibilité entre emplois et études se pose, alors que 40 % des étudiants cumulent aujourd’hui un emploi avec leurs études.
Avec la crise sanitaire, l’état de santé des étudiants s’est fortement dégradé. La COVID a mis en évidence l’échec de la réforme du régime étudiant de Sécurité sociale voulue par le président de la République. Il n’existe plus de prise en charge d’accompagnement médical ou médico-social structurée pour les étudiants.
A cela s’ajoute une problématique de lutte contre les violences physiques et verbales, les violences sexistes et sexuelles, et contre les différentes formes de harcèlement, qu’elles concernent les rapports entre étudiants, entre étudiants et enseignants, ou entre les personnels de l’ESR.
 
Recherche et société.
La crise sanitaire et la situation climatique ont démontré l’urgence de remettre la science au cœur des politiques publiques. Plus que jamais, le débat et la décision politique doivent se baser sur l’expertise scientifique. (10)
Pour promouvoir une culture de l’exigence scientifique au sein de l’État, une meilleure intégration des docteurs au sein de la haute administration est nécessaire. (11)
L’accroissement des fakes news et le phénomène anti-vaccination appellent aussi à une amélioration du travail de vulgarisation. Pour que les Français aient confiance dans la science, il faut qu’ils la connaissent.
Enfin, rappelons l’importance du lien entre recherche universitaire et innovation. Ces dernières années ont vu se multiplier les initiatives entre le monde de l’entreprise et les universités, de manière décentralisée.
Dans le même ordre d’idée, le crédit d’impôt recherche fait régulièrement l’objet de critiques et de rapports parlementaires proposant sa modification.(12) Si le soutien à la recherche privée peut être utile et efficace, il ne doit pas servir de prétexte pour permettre l’évasion fiscale.
 
Méthode de travail.
Le rôle de l’Observatoire sur l’ESR que nous appelons de nos vœux serait multiple.
Tout d’abord, il aurait pour objectif de proposer un panel de propositions à même de nourrir le projet socialiste et les programmes des différents échelons territoriaux en lien avec l’ESR (régional, national et européen).
L’Observatoire aurait aussi à cœur de faire connaître les propositions socialistes du monde de l’ESR. Très peu d’universitaires ont eu connaissance des contre-propositions portées par Valérie Rabault lors de la loi pluriannuelle de programmation de la recherche.
Un tel observatoire (avec universitaires, professeurs de grandes écoles, étudiants, syndicalistes, personnels administratifs et chercheurs des secteurs publics et privé, et militants) aurait l’avantage de permettre au parti de prendre rapidement une position éclairée sur les débats du moment.
En termes d’organisation, l’Observatoire pourrait se composer d’une commission principale, et de groupes de travail sur chaque axe. La question européenne pourrait faire l’objet d’un groupe de travail à part, avec un calendrier plus resserré.
Un tel Observatoire devrait bien entendu travailler sous l’égide de la ou du secrétaire national à la recherche et à l’enseignement supérieur, en lien avec les instances nationales.
Confiant dans la force d’un parti socialiste capable de transformer la société de manière sérieuse pour le bien commun, et confiant dans notre capacité commune de travail, nous proposons la création d’un Observatoire socialiste de la recherche et de l’enseignement supérieur.
1Should I say or should I stop: raisingyourvoice to influence science policy | Nature CellBiology
2Recherche et développement (R-D) – Dépenses intérieures brutes de R-D – OCDE Data (oecd.org)
3Statistics | Eurostat (europa.eu)
4RAPPORT_FINAL_GT2_Attractivite_des_emplois_et_des_carrieres_1178464.pdf (enseignementsup-recherche.gouv.fr)
5Vers l’égalité femmes-hommes, rapport du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur
6Les 60 % d’échecs à la fac masquent une réalité plus complexe (lemonde.fr)
Reste-t-il seulement 239 bacheliers sans affectation à l’issue de Parcoursup ? – Libération (liberation.fr)
7 A titre d’exemple, le groupe Audencia propose une inscription en formation post bac (Bachelor) à 8150 euros par an tandis que l’inscription en licence à l’université coûte 170 euros.
8 Note Flash du SIES, Enseignement supérieur, Recherche, Innovation n°17, juillet 2021
9 Parcours et réussite en licence et en PACES : les résultats de la session de 2016, rapport du SIES
10“Évaluation et qualité de la loi : quel avenir pour les études d’impact ?” | À la une | Acteurs Publics
11RAPPORT_FINAL_GT2_Attractivite_des_emplois_et_des_carrieres_1178464.pdf
(enseignementsup-recherche.gouv.fr)
12Transformer l’essai de l’innovation : un impératif pour réindustrialiser la France (senat.fr)
Premiers signataires :
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