Gabrielle Siry-Houari, porte-parole du PS, porte un regard « très mitigé » sur le bilan d’Olivier Faure à la tête du parti. Elle explique, au « HuffPost », prôner une « troisième voie » pour le congrès, avec une « refondation féministe » comme impératif.
POLITIQUE – Elle veut « taper du poing sur la table ». Gabrielle Siry-Houari, adjointe socialiste à la mairie du 18e arrondissement de Paris, va déposer un texte au congrès du PS, vendredi 4 novembre, pour engager une « refondation féministe » du parti.
Dans le jargon des roses, ce texte, qu’a pu consulter Le HuffPost, est une contribution thématique dont les propositions peuvent irriguer le débat et inspirer les motions de ceux qui veulent prendre la suite d’Olivier Faure. L’élue parisienne, également porte-parole du PS, propose ainsi d’établir une parité réelle aux élections législatives ou de contraindre les instances à nommer un binôme à la tête du parti, comme le font déjà les écolos.
Le but : en finir avec « l’hypocrisie » des dirigeants de gauche et rompre avec le « féminisme opportuniste » qui a cours au PS selon les signataires. Un traitement de choc, soutenu par plus d’une centaine de socialistes, élus, maires, sénateurs ou militants… Et par la « troisième voie » de ce congrès, qui émerge sous le nom « Refondations », entre la ligne d’Olivier Faure et celle de son opposante principale Hélène Geoffroy.
Une première victoire selon Gabrielle Siry-Houari, pour qui, « se battre pour la place des femmes en politique, c’est se battre pour leurs droits dans la société ». Entretien.
Le HuffPost : Vous déposez une contribution thématique pour le congrès socialiste (qui doit se tenir en janvier à Marseille) afin d’améliorer la place des femmes au sein du parti.
Le PS est-il en retard sur cette question ?
Gabrielle Siry-Houari : Historiquement, c’est le PS qui porte ces sujets, c’est Lionel Jospin qui a fait inscrire la parité en politique dans la Constitution. Nous avons donc une responsabilité particulière à les faire vivre et à assurer cet héritage. Mais force est de constater que chez nous, comme ailleurs, l’engagement n’est pas au niveau.
Les règles de parité, par exemple, subissent une forme de contournement par « le fratriarcat », ou la tendance pour un groupe d’hommes à se donner les moyens d’outrepasser ces principes. Il leur est toujours possible de se répartir les postes entre eux étant donné qu’ils sont prépondérants dans les réunions où ces décisions sont prises.
Depuis plusieurs années, les femmes socialistes sont ainsi sacrifiées lors des fusions de listes avec nos partenaires. Et pas les hommes. Résultat : on fait disparaître, progressivement, les femmes des différentes instances politiques.
La part des femmes dans le groupe socialiste à l’Assemblée a effectivement reculé de 50 % à 36 % après les dernières législatives. Que s’est-il passé ?
C’est tout sauf un hasard. Il n’y avait pas de critère de parité sur les circonscriptions gagnables au Parti socialiste dans la négociation de l’accord de la NUPES. Or, quand on prend comme base une parité globale au niveau des circonscriptions, principalement pour éviter de payer une amende, on ne se donne pas du tout les moyens d’atteindre la parité réelle au sein de l’Assemblée par la suite. C’est ce qu’il s’est passé.
J’ai demandé à de nombreuses reprises un exercice de transparence sur la façon dont la direction comptait assurer cette parité, je n’ai jamais pu obtenir la moindre donnée.
Sur cette question, les écolos et les insoumis font mieux…
Et les communistes font pire. Pour en avoir parlé avec des responsables EELV, les écolos se sont imposé des règles internes sur la parité réelle, sur les circonscriptions ’gagnables’. Il y a, chez eux, un volontarisme politique qui n’existe pas chez nous. C’est pourquoi je suis persuadée qu’il faut taper du poing sur la table lors de ce congrès.
Il n’y avait pas une seule femme candidate socialiste de moins de 35 ans dans toute la France aux dernières législatives. C’est éloquent. Plus les partis sont en difficulté, c’est notre cas aujourd’hui, moins il y a de place pour faire émerger d’autres profils.
Comment changer les choses ?
Il faut des quotas contraignants. C’est comme cela que la place des femmes en politique a progressé. Nous devons nous fixer comme règle de présenter 50 % de femmes sur les circonscriptions « gagnables ». Cela nécessite de la transparence et l’attention d’une vigie.
Aujourd’hui, les négociateurs sont des hommes, souvenez-vous du Boy’s club lors des accords pour la NUPES. Il nous faut donc une responsable dont la mission est de s’assurer que la parité réelle est respectée, sur les scrutins législatifs et de listes.
Dans le même esprit, nous proposons de rendre possibles les binômes paritaires au niveau des fédérations, et de le rendre obligatoire au niveau du parti. Le but sera d’avoir un homme et une femme à la tête du PS.
Vous portez une attention particulière à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans votre contribution. Que proposez-vous pour l’améliorer ?
Il faut s’assurer que la cellule, mise en place tardivement au PS, ait les moyens de fonctionner. S’assurer, aussi, qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts dans le cas où sont mis en cause des cadres proches de la tête du parti. Il faut également que le PS demande la démission immédiate des personnes qui sont condamnées pour des violences sexistes ou sexuelles. On pourrait également réfléchir à une charte de principes fondamentaux à respecter par les cellules de tous les partis de gauche.
Olivier Faure a-t-il suffisamment agi sur ces questions à la tête du PS ?
Olivier Faure n’a pas assez lutté contre un système qui le précédait… L’idée est que cela s’arrête aujourd’hui. Si j’ai le sentiment d’avoir pu faire passer certaines propositions ces dernières années, force est de constater que cela ne coûte pas grand-chose de dire que l’on veut allonger le congé paternité dans un programme électoral.
Quand on commence à expliquer qu’il faut autant de femmes que d’hommes élus, que nous souhaitons une parité réelle… Ça dérange un peu plus les cadres, qui sont directement concernés. Je suis très fatiguée de cette hypocrisie qui dure depuis des années. On a une approche de parité de façade, un féminisme de circonstances ou opportuniste qui ne va jamais au bout des sujets.
Malgré quelques points positifs, comme l’absence d’investiture aux élections municipales de 2020 pour trois personnes mises en cause pour des VSS, on peut résumer le bilan de la direction par « trop peu, trop tard ». Je sais par ailleurs que des cas de violences sexistes et sexuelles n’ont pas été traités à l’heure où je vous parle. Il y avait un gros manque tant que la cellule n’existait pas. Il faut qu’ils le soient maintenant qu’elle est pérennisée.
Certains candidats au congrès se sont-ils engagés à reprendre vos propositions ?
La contribution générale « refondations », (une ligne portée par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, la porte-parole Lamia El Aaraje et la vice-présidente de la région Occitanie Claire Fita ndlr), qui a vocation à devenir une motion, va reprendre quasiment toutes nos propositions. Un bon nombre en tout cas, c’est très positif. Je n’ai même pas eu de signe d’ouverture des autres tendances politiques.
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