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Nouveau long-métrage du réalisateur allemand Kilian Riedhof (Homevideo), tiré d’une histoire vraie, et adaptation du roman éponyme d’Antoine Leiris, Vous n’aurez pas ma haine raconte comment surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir. L’histoire vraie d’Antoine Leiris, qui a perdu Hélène, sa femme bien-aimée, pendant les attentats du Bataclan à Paris, nous montre une voie possible : à la haine des terroristes, Antoine oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils et à sa femme disparue. Alors, ce troisième film sur les attentats de 2015, après Revoir Paris et Novembre, est-il une réussite ?
Clairement oui. Le long-métrage est découpé en trois parties. La première se déroule le 13 novembre. On y découvre le quotidien d’Antoine et Hélène avec leur enfant d’un an, Melvil. Tout se déroule parfaitement jusqu’au soir où Hélène part avec un ami, Bruno, au Bataclan. Elle ne reviendra jamais. S’ensuit la soirée, l’attente, Antoine part faire le tour des hôpitaux de Paris avec son frère. C’est le chaos. Il faudra attendre un jour complet pour avoir la réponse. On comprend alors ce qu’ont dû ressentir les familles et les amis des victimes. Etre dans l’attente est insupportable. Cela fonctionne ici car on est plongés dans cette soirée, notamment avec la télé allumée qui nous donne les informations au fur et à mesure.
Le second acte se déroule sur les 12 jours suivants. Comment accepter l’inacceptable ? La douleur fait place à l’effarement mais en plus, il faut s’occuper de Melvil qui, lui, ne comprend pas pourquoi sa mère ne revient pas. Un arrache cœur. Et il y a ce texte qui donne le titre au film, qu’Antoine Leiris a publié sur Facebook quelques jours après les attentats, et qui a été partagé plus de 270 000 fois. Un message plein d’espoir, même s’il faudra du temps. Le personnage, et donc nous car l’empathie est clairement présente, passe par plusieurs phases émotionnelles, et c’est ce qui est le plus intéressant puisque l’on est amené à les ressentir par procuration.
La troisième et dernière partie, la plus courte, est certainement la plus faible. Elle se déroule quelques mois plus tard. La vie a repris son cours, mais est-ce vraiment le cas ? Non, mais il faut aller de l’avant sans pour autant oublier. Il y a les moments où l’on se surprend à de nouveau pouvoir sourire ou faire la fête, s’amuser avec son fils au bord de la plage. Il est dommage que cette partie ne fasse pas comme la seconde en revenant sur le quotidien d’Antoine et son fils pour voir comment celui-ci a évolué. Comme, par exemple, en montrant l’anniversaire de Melvil ou la manière dont a évolué l’attitude des autres parents d’enfants à la crèche, etc. tout en se concentrant sur Antoine. Cela aurait été plus intéressant.
De façon générale, cela reste tout de même très bon. On sent le réalisme tiré du roman d’Antoine Leiris, qui est journaliste culturel, ce qui permet une plongée dans cette nuit fatidique, les jours et les mois qui ont suivi. Cela reste, évidemment, assez factuel mais le traitement du personnage permet de s’identifier à Antoine tout au long de son cheminement. Chacun fait son deuil à sa façon. Pour lui, cela passera par le fait d’écrire ce message sur Facebook et de faire la tournée des plateaux télé alors que sa belle-mère, belle-sœur, son frère et sa sœur se sont occupés de Melvil et de l’organisation des funérailles d’Hélène. Peut-on le lui reprocher ? Il s’est réfugié dans ce qu’il savait faire le mieux. En tout cas, les thèmes du deuil et de la résilience sont traités avec justesse.
La réalisation de Kilian Riedhof est plutôt bonne. Il s’appuie sur une image assez réaliste et joue beaucoup avec les flous pour montrer dans quel état se trouve le personnage d’Antoine. Il suit d’ailleurs de très près son protagoniste, adoptant parfaitement son point de vue. Il dirige aussi très bien ses acteurs. Il éclaire davantage la pièce quand le personnage d’Hélène est présent, que ce soit au début ou en flashback, pour montrer qu’elle était le rayon de soleil de cette famille. Le montage est plutôt bon et rythmé. On regrettera tout de même deux-trois transitions qui sont trop abruptes. On notera aussi que la composition musicale de Peter Hinderthür s’accorde bien avec le film, sauf dans une scène dans un bar avec les personnages d’Antoine et Bruno. La musique est un peu à côté de la plaque à ce moment là, ce qui nuit à l’émotion.
Concernant le casting, Pierre Deladonchamps est très bon, même s’il surjoue légèrement lors de quelques scènes. Il porte parfaitement Vous n’aurez pas ma haine sur ses épaules. La ressemblance physique avec Antoine Leiris et même sa façon de parler sont bien présentes. L’émotion passe par son personnage et ce qu’il vit, il était donc essentiel que l’on puisse s’identifier à lui, et c’est clairement le cas ici. Camélia Jordana a peu de scènes dans le rôle d’Hélène, mais chacune de ses apparitions illumine l’écran. Thomas Mustin et Christelle Cornil complètent le casting avec de bonnes performances. Mais il faut également signaler la superbe performance de l’enfant qui interprète Melvil, et dont nous n’avons pas trouvé le nom. Il est difficile de faire bien jouer un enfant et, pour l’âge de celui-ci (un peu plus d’un an et demi), cela relève du miracle.
Vous n’aurez pas ma haine est donc une réussite, que ce soit au niveau du scénario, de la réalisation ou encore de l’interprétation. On est pris par cette histoire qui nous fait vivre un moment horrible et encore récent de l’histoire de France, tout en portant un message d’espoir sur la manière de se relever de l’innommable.
Cet article a été écrit par Guillaume Creis, qui a publié 2009 articles sur le site.
Adore le cinéma en général, que ce soit les gros blockbusters ou les plus petits films, les séries TV et les jeux vidéo. Il réalise de nombreux tests de blu-ray et films en UHD 4K.
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