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André Brassard, un pan d'histoire en roman-photo – Le Devoir

L’auteur est metteur en scène, auteur et directeur artistique du théâtre de Quat’Sous.
Pendant longtemps, il y a eu cette photo de Michel Temblay et André Brassard dans le hall du Quat’Sous. Elle avait été prise pour la création d’Hosanna, en 1973, sur le toit de l’immeuble où André Brassard habitait. « On a tous les deux nos p’tites robes indiennes… c’était l’époque, faut croire. » La photo témoigne du lien puissant tissé entre André Brassard et le Quat’Sous, un lien provenant directement d’un des fondateurs de notre théâtre : Paul Buissonneau. « Buissonneau, il a cru en moi dès le début. Même quand j’avais 15 ans et que j’allais lui demander des costumes ou une salle de répétition pour un spectacle à l’école. Dans un sens, c’est un de mes pères. »
L’histoire commence en 1957. Le Théâtre de Quat’Sous existe depuis deux ans, mais il n’a pas encore de résidence ! La troupe de Paul joue en itinérance dans la ville. Deux jeunes Montréalais, encore enfants, vont la croiser et en sortir changés à jamais : Michel Tremblay et André Brassard.
Le jeune Michel, à peine 15 ans au compteur, se fait garder par sa cousine Hélène, laquelle a juste envie de folâtrer avec son chum. Elle lui donne une piasse pour qu’il aille se faire voir non pas chez les Grecs, mais chez les marchands de hot-dogs du parc La Fontaine. Et qu’est-ce que Michel voit ? Un nouveau théâtre en plein air, le théâtre de Verdure. Et qu’est-ce qu’on va y jouer ? Du théâtre « en personne », auquel le jeune homme n’avait jamais encore assisté. « La tour Eiffel qui tue ! Hein ! Voyons donc ! Ça se peut-tu ! La tour Eiffel qui tue ! Comment c’est qu’à fait ça ! » Miracle : le spectacle coûte 90 cennes. « Moman ! crie Michel, presque toute ma piasse pour savoir comment c’que la tour Eiffel fait pour tuer le monde versus deux hot-dogs, une patate, un coke pis probablement un dessert ! Situation cornélienne ! Entre le ventre et le savoir ! »
Pour le plus grand bonheur du théâtre québécois, Michel opta pour le savoir. Ce fut sa première pièce de théâtre à vie, qu’il est retourné voir trois soirs de suite. « Je dois en grande partie à ce spectacle d’être devenu ce que je suis : un amoureux. »
André, lui, n’a que 11 ans. C’est sa mère qui l’emmène au Gesù, où jouera également La tour Eiffel qui tue. « Quand les lumières de la salle s’éteignaient, juste avant que celles de la scène ne s’allument, ma mère me prenait la main et la serrait. Puis, le spectacle commençait. Je ne bougeais plus, je ne parlais plus. Je restais là, les yeux grands ouverts, impatient que le spectacle débute. » Frappé par la modernité de la mise en scène de Paul Buissonneau, par son avant-gardisme, son humour, son refus de l’académisme, André Brassard voudra s’inscrire dans ses pas. Il gardera toute sa carrière un attachement sans faille au Quat’Sous de son cher Buissonneau. Avec son grand complice Tremblay, c’est le lieu où ils créèrent ensemble le plus de pièces.
Nous avons répertorié 16 spectacles mis en scène par Brassard au Quat’Sous. Parmi ceux-ci, sept sont des créations basées sur un texte de Michel Tremblay, comme autant de moments marquants de notre histoire. Ne pensons qu’À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, en 1971 — on parle souvent, et à raison, du chef-d’oeuvre que constitue Les belles-soeurs, mais n’oublions pas cette Marie-Lou, autre sommet inégalé. Ou encore à Hosanna, en 1973. Avec Paul Buissonneau, André Brassard fut le metteur en scène « en résidence » de la maison de l’avenue des Pins, de 1969 à 1977, où il monta 12 spectacles, parfois 4 dans la même année (en 1970).
C’est En pièces détachées qui mène le bal, en 1969. André n’a que 23 ans, on sous-titre le nom de Michel Tremblay par « auteur des Belles-soeurs », car la pièce fétiche a été montée l’année précédente, au Rideau vert. Trop onéreuse à cause de sa grosse distribution, elle avait échappé à Buissonneau, qui dut se rabattre sur une gang de « pouilleux aux cheveux longs », dont certains fraîchement débarqués de Californie, revenus avec des guitares électrifiées. Ça a donné L’Osstidcho, ce n’était pas mal non plus.
Mais revenons à En pièces détachées. Buissonneau, dans le programme, cite un certain M. Lukes : « Je crois en l’avenir des petites salles au contact étroit des acteurs et du public, ce qui me paraît être le but même du théâtre. » « Thank you, Mr. Lukes », de conclure Paul — et that’s it pour le mot du directeur artistique, ah, temps béni ! C’est la grande Luce Guilbeault qui joue Hélène — oui, inspirée de la fameuse cousine de Michel qui l’envoya promener au parc La Fontaine ! Le rôle avait été offert à Dyne Mousso, mais celle-ci se disait incapable « de parler comme ça sur une scène », signe que la langue de Tremblay n’avait pas encore conquis tous les coeurs des actrices et acteurs du Québec…
L’année suivante est à peine croyable. André monte coup sur coup La duchesse de Langeais, jouée par Claude Gai, en programme double avec Bien à moi marquise, de Marie Savard, dans laquelle Dyne Mousso accepte finalement de jouer (la langue devait être plus parlable !). Puis, il s’attaque à la pièce Aux yeux des hommes, de John Herbert, et à De l’effet des rayons gamma sur les vieux garçons, de l’auteur américain Paul Zindel. C’est Michel Tremblay, qui a vu la pièce à New York quatre mois auparavant (!), qui la traduit ; il s’agit de la première traduction d’une oeuvre théâtrale américaine en « québécois ».
Un an plus tard, c’est la bombe d’À toi pour toujours, ta Marie-Lou. Brassard y dirige sans doute les interprètes qu’il aura le plus chéris dans sa vie : Hélène Loiselle, Lionel Villeneuve — à qui il avait demandé de l’adopter — Luce Guilbeault, et son amie la plus proche, sa muse éternelle, Rita Lafontaine. Cette tragédie « en québécois », qui vient faire éclater la famille et renverser les tabous notamment sur la sexualité, représente l’un des moments les plus forts de la carrière d’André Brassard, et, ce faisant, du théâtre québécois. À partir de ce jour-là, ceux et celles qui doutent encore du talent d’André ne sont plus tellement nombreux…
En 1973, il frappe encore un grand coup en créant Hosanna. Jean Archambault crée le rôle-titre, aux côtés de Gilles Renaud, qui joue Cuirette. C’est Paul Buissonneau lui-même qui conçoit le décor. Dans le programme, Brassard met en garde les spectateurs et les spectatrices : « Nous n’avons pas affaire à une oeuvre réaliste. Je n’ai jamais rencontré exactement Hosanna ni Cuirette. Ce sont des créatures de l’esprit […]. À la fin d’Hosanna, pour la première fois dans l’oeuvre de Tremblay, des personnages acceptent, assument ce qu’ils sont, même si ce n’est pas “joli”, laissent tomber le déguisement et peuvent à cet instant s’aimer. Après plusieurs années à constater les problèmes, peut-être commençons-nous à entrevoir des solutions ? »
Dans la saison suivante, André s’intéresse à la relève : il crée la pièce Quatre à quatre d’un certain… Michel Garneau ! Et se paie un quatuor d’enfer, composé entre autres de Monique Mercure et Michelle Rossignol. Cependant, il ne s’éloigne pas longtemps de Tremblay : en 1977, le revoici créant Damnée Manon, sacrée Sandra, la onzième et dernière pièce du cycle des Belles-soeurs, commencé à l’été 1965 et terminé au printemps 1976.
André plongera dans un nouveau cycle de pièces de Tremblay, cette fois plus intimiste, dont Les anciennes odeurs, qui sera créé au Quat’Sous en 1981. À ce moment-là, André Brassard a déjà plus de 70 mises en scène à son actif, dont 16 pièces de Michel Tremblay. Ce sera la dernière création d’un Tremblay au Quat’Sous, avant son retour, 22 ans plus tard, à l’invitation de Wajdi Mouawad. Le directeur artistique du Quat’Sous souhaite avoir des nouvelles de Claude et d’Alex du Vrai monde.
Michel lui répond en écrivant Impératif présent, qu’il confie à son vieux complice Brassard. Affaibli par un AVC survenu quatre ans auparavant, André parvient tout de même à diriger Jacques Godin et Robert Lalonde dans une de ses dernières mises en scène, encore magistrale. Son mot de metteur en scène, dans le programme, est bref, mais témoigne de manière bouleversante de sa nouvelle condition physique et morale : « Le bourreau est responsable de ses actes. Il existe une autre responsabilité : celle de la victime. Elle peut rester enfermée dans ses blessures ou alors “choisir la vie” et continuer. »
Parmi tous les spectacles montés par André Brassard au Quat’Sous, les Tremblay, un Tennessee Williams, un Claude Gauvreau, un Brad Fraser, etc., il y a une production qui fait figure d’exception : l’Andromaque de Racine. C’est une drôle d’histoire qui explique l’arrivée de cette tragédie sur les planches du Quat’Sous, plutôt réfractaire aux classiques. En 1974, le Centre national des arts (CNA) veut produire la pièce de Racine. Certain que le théâtre va lui en confier la mise en scène, surtout après son succès de La fausse suivante, de Marivaux, Brassard est frappé de stupeur quand il apprend qu’il n’est pas choisi. Furieux, il débarque chez Paul Buissonneau et le presse de produire rapidement le spectacle, avant celui d’Ottawa, afin que le CNA se rende compte de sa bévue. Paul hésite, puis accepte. André dit, à propos de la création : « Ce n’était pas académique du tout, comme production. C’était très sloppy, très trash […]. Malheureusement, de toute cette production-là, il ne reste qu’une seule photographie quelque part au Quat’Sous. J’espère qu’ils ne l’ont pas oubliée dans la bâtisse quand ils l’ont démolie, le 6 février 2008. »
Non, on ne l’a pas oubliée dans la vieille bâtisse, André.
Et toi non plus, n’aie crainte, on ne t’oubliera jamais.
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