Écrit par Benoît Theunissen
Publié Le 07.10.2022 • Édité Le 07.10.2022
Les marchés boursiers entrent en phase de «bear market», soit une tendance baissière. Les valeurs des banques sur les marchés des actions en font les frais, posant des défis à venir quant à leur financement. (Photo: Shutterstock)
Les performances négatives des actions bancaires posent des problèmes de financement pour les banques. Des défis qui s’ajoutent aux risques des écarts de crédits et au choc des taux d’intérêt, alors que les marchés entrent en phase baissière et que la crainte d’une récession s’accentue.
La situation de Credit Suisse sur les marchés inquiète tant ses employés que les investisseurs. L’effondrement du cours de l’action de la banque helvétique au cours des derniers mois et les spreads de ses swaps de défaut de crédit font craindre un scénario à la Lehman Brothers. Si la situation de Credit Suisse reste un cas isolé, ce n’est pas sans rappeler les risques qui planent sur le secteur financier dans son ensemble.
Avec les valeurs boursières qui amorcent une phase de baisse (le «bear market») et la récession n’étant plus un mot tabou, les marchés entrent dans un nouveau cycle. À cet égard, un rapport du régulateur des banques de l’Union européenne, la European Banking Authority (EBA), notait, le 6 octobre, que «les prix des actions des banques ont sous-performé l’indice général des prix des actions depuis le début de la guerre russe contre l’Ukraine». En effet, alors que l’indice sectoriel paneuropéen Stoxx Europe 600 Banks avait atteint un sommet, à 166 le 10 février dernier, il n’était plus qu’à 120,3 le 6 octobre, reculant ainsi de 27,53%.
Caroline Randall,  equity portfolio manager et membre du comité de gestion,  Capital Group
Les performances peu réjouissantes des valeurs bancaires sur les marchés boursiers incitent d’ailleurs des gestionnaires d’actifs à réduire l’exposition de leurs portefeuilles aux banques. Caroline Randall, equity portfolio manager chez Capital Group et membre de son comité de gestion, déclare à Paperjam «être à présent moins intéressée par les banques». Et elle ajoute: «Si je m’inquiète d’une récession (…), je m’inquiète alors de la volatilité des dividendes des banques ainsi que de toute exigence en matière de capital qui pourrait leur être imposée. Préférant une position défensive, j’ai tendance à détenir en portefeuille uniquement celles qui sont bien capitalisées».
Et de façon générale, ce sont les tendances négatives sur les marchés financiers des capitaux qui affectent tout particulièrement le financement des banques, selon l’EBA. Les banques européennes disposent de suffisamment de liquidités, mais les conditions de financement se détériorent. «Les marchés primaires de financement de gros sont encore caractérisés par de fréquentes périodes d’activité limitée en raison de l’incertitude macroéconomique croissante», indique le superviseur bancaire européen. C’est sans compter que les récentes hausses des taux directeurs des banques centrales sont, à leur tour, susceptibles d’accroître les coûts de financement des établissements de crédit.
Au niveau des risques de crédit, l’EBA ne relève pas de signes majeurs de détérioration, mais annonce «des perspectives sombres». Les banques européennes ont par exemple déclaré 322 milliards d’euros de prêts et d’avance à des entreprises du secteur énergétique. À ce sujet, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) déclarait le 22 août que le secteur bancaire luxembourgeois ne fait pas exception aux risques des écarts de crédits et des hausses des taux d’intérêt, mais qu’il reste davantage protégé en raison de sa diversification.
Parmi les indicateurs-clés, le ratio CET1 (Common Equity Tier 1) se maintient à la moyenne exigée de 15%. Il s’agit de la part des fonds propres détenus sous forme d’actions par une banque afin de résister aux difficultés financières. Cependant, l’EBA déplore que «plusieurs institutions déclarent un ratio CET1 de plus de 300 points de base en dessous de la moyenne de l’UE». Ces banques restent donc plus vulnérables à la crise en cours. La cause étant également la conséquence, les banques qui devront refinancer une partie de leurs réserves de liquidités seront alors confrontées à une baisse de la demande des investisseurs et à une augmentation des primes de risque.
Les institutions bancaires luxembourgeoises affichent, quant à elles, un ratio CET1 de plus de 21%, bien plus élevé que la moyenne de 15% de l’ensemble de l’industrie à l’échelle européenne. Elles devraient donc être aptes à faire preuve de davantage de résilience en cas de difficultés.
Julie Dickson,  equity and multi-asset investment director,  Capital Group
Les conditions de financement des banques devenant de plus en plus difficiles, faut-il pour autant s’attendre à un scénario catastrophe? À en croire Julie Dickson, equity and multi-asset investment director chez Capital Group, la réponse est toute relative: «Certaines banques sont plus compétitives que d’autres, certaines ont des secteurs d’activité plus diversifiés que d’autres, certaines seront plus exposées que d’autres à certaines des actions des banques centrales et des taux d’intérêt. Certaines sont plus mondiales, d’autres sont nationales.» Mais, dans l’ensemble, les banques sont aujourd’hui en meilleure position qu’elles ne l’étaient lors de la crise financière de 2007-2008, observe-t-elle, notamment grâce aux nouvelles réglementations en matière de réserves obligatoires, de pratiques de prêts et de transparence.