Vendredi, 7 octobre 2022
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PHOTO/MARIA SENOVILLA – Un soldat d'artillerie de l'armée espagnole lors d'un exercice multinational de tir à balles réelles au Camp Adazi, en Lettonie, dans le cadre de la mission de l'OTAN déployée dans ce pays balte
L’invasion de l’Ukraine a déclenché le plus grand tsunami géopolitique mondial de ce siècle, et l’une de ses conséquences est qu’elle divisera une fois de plus le monde – s’il a jamais été uni – en deux blocs de type Guerre froide.
Cependant, cette guerre, qui a suscité autant de surprise que d’étonnement dans les pays d’Europe du Sud et de l’Ouest, n’a pas été une surprise sur le flanc Est. Là-bas, la menace russe est perçue comme très réelle depuis des années.
Des pays comme l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, dont les noms ne résonnent qu’une fois par an depuis le concours Eurovision de la chanson pour la plupart des citoyens de l’UE, dénoncent depuis longtemps les intentions du Kremlin de déstabiliser leurs États et peut-être d’aller plus loin avec une action militaire.
Les républiques baltes comptent 30 % de Russes ethniques qui, pendant plusieurs années, ont réussi à prendre du poids en créant leurs propres partis politiques. Tous espéraient prospérer jusqu’à ce qu’ils réussissent à placer un dirigeant fantoche du Kremlin au gouvernement. Toutefois, le vote pour ces formations politiques a diminué au même rythme que les frictions entre la Russie et l’Occident ont augmenté.
Ces trois pays se sont tournés vers l’Europe il y a quelques années et ont clairement fait le choix de se développer de ce côté-ci du monde. Ils ont rejoint l’OTAN en 2004, et les missions internationales que l’Alliance atlantique a déployées en Estonie, en Lettonie, en Lituanie mais aussi en Pologne depuis 2017 en sont la garantie.
Un mois après le début de l’invasion de l’Ukraine, l’OTAN a officiellement annoncé qu’elle déployait des forces supplémentaires en Slovaquie, en Hongrie, en Roumanie et en Bulgarie “dès que possible”. Quatre nouveaux groupements tactiques devaient blinder la frontière russe du nord au sud et dissuader le Kremlin de toute nouvelle incursion militaire sur le territoire européen.
Suite à cette annonce, le dernier sommet, qui s’est tenu à Madrid à la fin du mois de juin, a finalisé les détails de ce qui serait la nouvelle boussole stratégique. Quatre mois après le début de la guerre en Ukraine, Madrid a annoncé que, outre la mise en place de ces nouveaux bataillons, les quatre bataillons actuellement en opération dans les républiques baltes et en Pologne seraient élevés au rang de brigade.
Il s’agit de missions multinationales, composées de plus de 15 pays. “Chaque pays apportera les capacités qu’il peut ou qu’il juge appropriées”, a expliqué le lieutenant-colonel Aranda Gil, commandant du contingent espagnol en Lettonie, dans une interview accordée à Atalayar.
Dans le cas de l’Espagne, le contingent a déjà augmenté de 35 % depuis le début de l’année, atteignant 600 hommes, et devenant ainsi la deuxième plus grande mission internationale à laquelle l’armée espagnole participe, après celle du Liban. Mais ce qui est peut-être le plus remarquable, ce sont les nouvelles capacités qui ont été déployées dans la région : artillerie de campagne, radars et une batterie de missiles anti-aériens Nasams. Capacités de combat.
L’Espagne n’est pas le seul pays à déployer son artillerie sous ces latitudes. À la mi-septembre, le premier tir d’artillerie à balles réelles a été organisé au camp Adazi avec la participation de cinq pays de l’OTAN dans le cadre de la mission de présence avancée renforcée (eFP).
Pour l’occasion, l’armée américaine a apporté à la base un certain nombre de pièces d’artillerie provenant d’Irak, toujours dans leur peinture de camouflage aride. Ces pièces ne sont pas venues pour une visite, mais avec l’intention de rester déployées là-bas, en Lettonie, à la frontière avec la Russie.
Il est clair que les États-Unis vont réorienter les ressources qu’ils consacraient auparavant aux opérations en Afghanistan ou en Irak, en les positionnant le long de la frontière russe. Mais contrairement aux opérations susmentionnées, le poids – et les dépenses – sont répartis de manière beaucoup plus équilibrée sur le flanc oriental de l’Europe. Rien de tel qu’une guerre chez soi pour réveiller les pays de l’UE, qui ont augmenté leurs budgets de défense comme ils ne l’ont pas fait depuis des années.
Dans l’ombre d’une menace nucléaire, on a pris conscience de la nécessité d’aller plus loin dans la protection réelle de ce côté-ci de la frontière. Et les capacités que les États membres de l’Alliance mettent en place visent à contenir une attaque. Les missions de l’eFP sont passées d’un outil de dissuasion à un outil d’endiguement. Tout cela grâce à la Russie elle-même.
L’annexion de la péninsule de Crimée en 2014 a conduit à la création des quatre bataillons multinationaux d’Estonie, de Lettonie, de Lituanie et de Pologne. Toutes ont commencé à fonctionner en 2017. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, ce sont à nouveau les événements en Ukraine qui ont conduit à la création de quatre nouveaux bataillons pour blinder le flanc oriental de l’Europe du nord au sud.
Parmi les huit groupements tactiques qui seront configurés, on estime à 9 000 le nombre de troupes déployées en permanence : 1 430 en Estonie, 1 887 en Lettonie, 1 632 en Lituanie, 1 033 en Pologne, 643 en Slovaquie, 900 en Hongrie, quelque 1 148 en Roumanie et près de 1 000 en Bulgarie.
Les huit pays ont demandé cette présence militaire, et s’y accrochent comme à leur seule garantie que la Russie ne décidera pas d’annexer davantage de territoires à leurs dépens. Ils ne croient pas à la parole du Kremlin, qui n’a déjà pas tenu ses promesses dans des endroits comme la Tchétchénie – où il a écrit l’un des chapitres les plus sanglants de l’histoire moderne. Et ils savent qu’il n’est pas non plus satisfait des conquêtes qu’il a faites jusqu’à présent, comme en Ukraine, où la Crimée n’a pas suffi à satisfaire son appétit.
Et comment la vie a-t-elle changé dans les pays où sont déployées ces missions de l’OTAN, qui ont suscité l’ire du Kremlin ? La vérité est qu’elle n’a pas changé. Les pays de l’ancienne orbite soviétique ont déjà vécu avec la menace russe et l’ont internalisée d’une manière différente des autres pays de l’UE.
Probablement en raison de leur vingtième siècle chargé, ces pays ont développé l’idée de défense d’une manière différente. Pour eux, il est nécessaire de préserver leur souveraineté nationale. Si en Espagne, en France ou en Allemagne, les citoyens comprennent que la défense est la responsabilité des gouvernements et des armées professionnelles, dans cette partie du monde, nous trouvons des sociétés qui sont beaucoup plus impliquées dans la tâche de défendre leurs maisons.
Les républiques baltes sont un exemple de ce concept de défense qui implique la société civile. À Tallinn, par exemple, on trouve le siège de la Ligue de défense nationale, une sorte de forces armées paramilitaires où la population civile peut commencer à s’entraîner dès l’âge de sept ans. Oui, depuis l’âge de sept ans.
Les enfants estoniens peuvent participer aux camps de la Ligue de défense dès l’âge de sept ans et, au cours des années suivantes, ils perfectionnent leurs compétences militaires actives et passives. En d’autres termes, ils sont formés au maniement des armes, mais on leur apprend aussi comment se comporter en cas d’invasion réelle, comme en Ukraine.
Il s’agit bien sûr d’une organisation bénévole, mais elle est largement suivie par les Estoniens. Cela illustre l’autre conception de la défense dans les pays limitrophes de la Russie, ainsi que la mesure dans laquelle ils se sentent menacés par le Kremlin.
Que font les missions de présence avancée ? Jusqu’à présent, il s’agit de montrer les capacités et de rassembler les États membres de l’Alliance. Il convient de noter qu’en 2016, lorsque le lancement des quatre premiers groupes de combat a été approuvé, c’était la première fois qu’une telle décision était prise à l’unanimité. De plus, ces missions ont une caractéristique unique : le niveau d’interopérabilité entre les Etats membres est à tous les niveaux.
En termes de mise en scène, la présence avancée renforcée est une opération avec une activité intense en termes de manœuvres et d’exercices. Les relais sont organisés tous les six mois, et pendant ces six mois, trois phases d’entraînement consécutives sont systématiquement entreprises avec un programme d’activités trépidant.
La communication publique – y compris via les médias sociaux – de chacun de ces exercices militaires, et du perfectionnement des capacités, est une autre caractéristique de ces opérations. Si l’on veut dissuader la Russie d’attaquer, il est préférable de montrer ce à quoi elle serait confrontée.
À cette dissuasion – qui a déclenché la colère du Kremlin – s’ajoutent désormais les capacités de combat fournies par l’artillerie. Combinée à la guerre en cours en Ukraine, l’escalade, non seulement sur le plan militaire mais aussi sur le plan des tensions internationales, a fait de la frontière entre la Russie et l’Europe le point le plus chaud de la planète, avec la plus grande présence de l’OTAN.
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source
https://netsolution.fr/piece-de-monnaie-commemorative-lettone-de-2-euros