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Incestes et violences sur les enfants : « Ce qui coûte à la société, c'est l'impunité des agresseurs » – Le Journal du dimanche

INTERVIEW – Le juge Édouard Durand appelle le gouvernement et les parlementaires à adopter cinq mesures d’urgence contre les violences sexuelles.
Mercredi, la Ciivise dressera un bilan de son appel à témoins, lancé il y a un an. Depuis le 21 septembre 2021, la commission a reçu 16 414 témoignages de victimes d’inceste et de violences sexuelles dans l’enfance. Son coprésident, le juge pour enfants Edouard Durand, révèle en exclusivité cinq mesures qu’il voudrait voir adoptées par les députés cet automne. Repérage systématique, création d’une cellule de soutien pour les professionnels en contact avec les enfants, remboursement des soins spécialisés en psychotrauma, moyens renforcés pour la lutte contre la cyber-pédocriminalité, lancement d’une grande campagne nationale… Des mesures impliquant des investissements importants, qu’Édouard Durand assume et juge urgents : « Ce qui coûte à la société, en termes financiers mais aussi sur le plan de la justice et du lien social, c’est l’impunité des agresseurs. » Dans une interview au JDD en forme de plaidoyer, il appelle les pouvoirs publics à passer à l’action.
Vous plaidez pour la mise en œuvre en urgence de cinq dispositifs. Pourquoi maintenant ?
Nous le répétons, la protection des enfants n’attend pas. Cela suppose des moyens. Les débats sur le vote du budget 2023 vont s’ouvrir, c’est le moment de mettre en avant cinq de nos préconisations. Nous les avons traduites en mesures réalistes et réalisables afin que les parlementaires s’en saisissent. En un an, notre commission a reçu 16 414 témoignages de victimes d’inceste et de violences sexuelles dans l’enfance. Nous sommes dépositaires de leur confiance. Si elles ont besoin d’être reconnues comme victimes, elles formulent une autre exigence : empêcher que d’autres enfants vivent cela.
Vous voulez rendre leur repérage systématique. Comment ?
Ces 160 000 enfants victimes chaque année, il faut aller les chercher avant leurs 44 ans, l’âge moyen de nos témoins. Infirmières scolaires, enseignants, assistantes sociales… Tous les professionnels au contact des enfants doivent être formés. Ils sont le point de départ de la chaîne de protection. On peut exiger d’eux qu’ils questionnent systématiquement l’enfant, à condition de déployer une autre mesure : créer une cellule pluridisciplinaire de soutien. Pas un énième numéro vert, mais une structure dotée d’un pilotage national qui fournira une réponse cohérente. Quels sont les risques d’agir ? Comment rédiger un signalement ? Quid du secret médical ? L’exposition à la souffrance des autres peut générer un stress intense, voire un traumatisme. Si un médecin libéral reçoit un enfant qui révèle des viols, il aura la certitude de ne pas être seul. Cela déclenchera des pratiques professionnelles vertueuses.
En un an, notre commission a reçu 16 414 témoignages de victimes d’inceste et de violences sexuelles dans l’enfance
Vous défendez aussi le déploiement des soins spécialisés…
Ces violences ont des impacts somatiques, psychiques, sur la vie sociale et intime, tout au long de la vie. Une perte de chance inacceptable. La réponse, c’est le soin. Lors d’une de nos réunions, à Lille, une femme était venue de Belgique en voiture avec sa fille. Elle sortait de chez elle pour la première depuis des mois ! Cette conduite d’évitement se soigne. D’autres errent de thérapeute en thérapeute sans jamais consulter un professionnel spécialisé. À une victime, un psychiatre a dit : « C’est de votre faute », « Passez à autre chose… ». Mais ça ne se fait pas en un claquement de doigts ! Il existe des soins spécialisés en psychotrauma. Il faut les dispenser partout. Former des psychologues et des psychiatres, cela représente un investissement. Mais la société ne peut pas rester spectatrice de cette souffrance.
Pourquoi préconisez-vous le remboursement de ces soins ?
De nombreuses victimes ou leurs parents ne peuvent plus les payer et y renoncent. Une femme nous a confié qu’elle avait dépensé l’équivalent « d’une ou deux voitures » en consultations. Nous voulons construire un parcours de soins pris en charge par l’État, à même d’orienter ces patients vers des spécialistes. 30 à 50 % d’entre eux ont des conduites addictives. Si on ne soigne pas le psychotrauma d’origine, ils n’en sortiront pas. Le coût global de ces violences sexuelles pour la société est énorme. Nous lançons une enquête qui l’évaluera. Mais nous savons déjà qu’il est bien plus élevé que tout ce que nous mettrons en place pour protéger les enfants.
Vous exigez plus de moyens pour lutter contre la cyber-pédocriminalité…
Toute agression sexuelle envers les enfants s’accompagne aujourd’hui d’une dimension cyber. Ce phénomène explose, notamment par le biais des jeux en ligne. La pratique du grooming [créer un lien avec un enfant pour réduire ses inhibitions et l’agresser sexuellement] a bondi de 3000 %. Les enquêteurs de l’Office central spécialisé peuvent savoir en temps réel qui consulte des fichiers pédopornographiques. Ils ont pu identifier des enfants séquestrés à l’étranger et les libérer avec les autorités policières de ce pays. Mais en France, on ne compte qu’un enquêteur spécialisé pour 2,2 millions de personnes, contre un pour 100 000 habitants aux Pays-Bas et un pour 200 000 en Grande-Bretagne. Cela a un impact direct sur la capacité à mettre un nom sur un visage dans une vidéo pour sauver des enfants violés. Il faut donc augmenter les moyens humains et matériels des services de police judiciaire spécialisés.
En France, on ne compte qu’un enquêteur spécialisé pour 2,2 millions de personnes
Vous réclamez une campagne nationale d’information ciblée. Qu’est-ce que cela changerait ?
Il n’y en a pas eu depuis vingt ans ! Il faut éveiller les consciences, ouvrir les oreilles et déclencher un désir d’agir. Si toute la société est sensibilisée à cette réalité, alors les enfants pourront dire : ce que je vis n’est pas normal, on peut me protéger. C’est important de répéter que ces violences sont contraires à la loi, afin de contrer le message de l’agresseur qui impose le silence à sa victime en disant « Tous les papas font ça ».
Quel est le coût de ces mesures ?
Pour certaines, il est important. Si notre rôle n’est pas de le chiffrer, nous devons dire l’urgence de leur mise en œuvre. D’autres préconisations relèvent de la loi. Le retrait de l’autorité parentale à un père incestueux ne demande pas un euro : il faut le faire. Ce qui coûte à la société, en termes financiers mais aussi sur le plan de la justice et du lien social, c’est l’impunité des agresseurs.
Depuis l’installation de votre commission, en janvier 2021, quelles ont été les avancées ?
Notre premier avis, rendu en octobre 2021, s’est transformé en décret pour aider les « mères en lutte », celles dont les enfants ont révélé des agressions et des viols. Aujourd’hui, nous mettons en avant cinq de nos vingt préconisations émises en mars 2021 ; cela ne veut pas dire qu’il faut négliger les autres ! Si la société accepte de dire à des adultes « on vous croit, on aurait dû vous protéger », elle doit aussi croire les enfants qui sont violés aujourd’hui et les protéger. Toutes nos préconisations sur le traitement judiciaire de ces affaires sont fondamentales. Il y a des progrès à faire, dès le stade de l’enquête : présence d’un avocat lors des auditions, d’un administrateur ad hoc, réparation indemnitaire…
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Sentez-vous la société plus réceptive sur ce sujet ?
La Ciivise, et avant elle, la Commission indépendante sur les abus sexuels au sein de l’église (Ciase), a suscité une prise de conscience de l’ampleur de ces violences sexuelles par leur nombre. Mais il manque une prise de conscience de la gravité de celles-ci. La souffrance des victimes est tenue secrète par l’entourage. La société doit passer ce fossé de l’incommunicabilité. La Ciivise est cet espace où l’on accepte d’entendre : c’est ça, être violé quand on est enfant. C’est pourquoi, dans le bilan que nous présenterons mercredi, nous insisterons sur l’impact que cela a tout au long de la vie : plus de 80 % des victimes estiment que ces violences ont eu des conséquences sur leur santé mentale ; 50 % d’entre elles, sur leur santé physique ; 40 %, sur leur vie professionnelle. Certaines auditions sont éloquentes à ce sujet.
Par exemple ?
J’ai été récemment marqué par le récit d’une femme de 45 ans, dans la grande pauvreté. Violée par son père de ses 5 ans à ses 17 ans. Elle subissait aussi des violences physiques. Elle s’est retrouvée enceinte de son père. Elle est allée à l’hôpital, sans aucune idée du déroulement d’un accouchement. Après la naissance, elle n’a pas voulu de cet enfant – avec lequel elle a ensuite noué une belle relation. Pendant trois jours, le bébé est resté en pouponnière. L’infirmière est venue la voir. Cette femme lui a alors révélé toute son existence. L’infirmière a dit : « Ah, je comprends mieux. » Et l’a renvoyée chez elle. Cette femme nous a raconté avoir vécu une vie épouvantable après cela. À la fin de son témoignage, je lui ai demandé : « Qui a pris soin de vous ? » Elle a répondu : la Ciivise. Ce n’est pas tout à fait vrai, car des personnes d’une association l’accompagnaient ! Mais cela montre l’ampleur, pour les victimes, du besoin de reconnaissance et de respect. Nous leur disons : « On vous croit. »
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