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1. Comprendre les comportements pervers pour mieux les combattre – La Croix

Contribution de la Commission doctrinale de la CEF : « L’arbre et ses fruits »
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Commission doctrinale de la CEF
Plusieurs de ces abuseurs sont marqués et structurés selon des personnalités dites « perverses ». Il y a, bien sûr, en eux la part du péché mais ces personnalités clivées, « brillantes », et « égotiques » ont, d’abord, des tendances compulsives, refusant le réel, s’enfermant dans le déni. Les abus spirituels ou sexuels ne sont pas toujours le fait de personnalités perverses mais aussi de personnalités névrotiques, à la recherche de compensations à des angoisses diverses et qui peuvent, plus ou moins consciemment, en venir à manipuler ou au moins à profiter de personnes fragiles. Les abus d’autorité, abus spirituels ou abus de conscience peuvent être liés à des aspects pathologiques psychiatriques.
Entre les névrotiques qui souffrent d’une culpabilité écrasante vis-à-vis de leurs victimes et les pervers, lesquels sont toujours dans le déni, n’éprouvant ni honte, ni culpabilité, ni anxiété, il faut aussi citer des profils d’abuseurs sexuels ou spirituels avec le syndrome pervers égocentré. Ces derniers éprouvent de la honte, mais avec une tendance à minimiser la gravité de leurs actes. La figure la plus troublante reste malgré tout celle du pervers.
1. Qu’est-ce qu’un pervers ?
Le type psychologique du « pervers » ne se caractérise pas d’abord par des pratiques sexuelles mais par une pathologie du narcissisme qui pousse à jouir de nuire à l’autre et/ou à jouir de le détruire.
Pour clarifier cette réalité étrange, cherchons à préciser le vocabulaire. Dans les classifications psychiatriques ou psychologiques actuelles, les perversions ne sont ni des névroses, ni des psychoses mais se situent sur un autre registre. Selon les critères des classifications internationales (DSM-IVet CIM-10) (1) , « un pervers est celui dont la vie sexuelle est caractérisée par la pratique exclusive ou fréquente d’une ou de plusieurs de ces conduites perverses : comportement déviant, partiel, exclusif, instrumentalisant le partenaire » (2). Deux formes principales sont maintenant distinguées : « Si la perversion sexuelle est centrée sur le déni de l’identité sexuelle de l’autre (son altérité sexuelle), la perversion narcissique révèle un déni de l’altérité de l’autre dans son identité, sa personnalité, du fait d’angoisses plus archaïques (détresse originaire, angoisse d’abandon, de fusion, de séparation…) » (3).
Rappelons aussi que la pédophilie est une perversion sexuelle, définie par le Code pénal comme une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur.
Nous connaissons désormais les caractéristiques principales de toutes les formes de perversion. Le pervers cherche toujours à exercer une emprise sur autrui : « Rapport de domination au plan physique, sexuel, intellectuel, affectif ou moral. La relation est toujours dissymétrique. Il y a intention de contrôler l’autre pour le faire céder… L’agresseur revendique un statut supérieur, il se donne le droit d’infliger une souffrance qui est unidirectionnelle et vise l’intime » (4) . C’est pourquoi le pervers s’en prend toujours à des êtres plus faibles que lui, en premier lieu, bien sûr les enfants ou les jeunes adolescents. Parmi les adultes, il repère les individus qu’il peut circonscrire : des personnes en manque affectif ou bien en quête de sens.
Dans un premier temps le pervers se montre protecteur, séducteur puis viennent, dans un second temps, la violence et la cruauté. Peur et désarroi empêchent les victimes de parler. La séduction s’exerce aussi auprès des personnes qui émettent des doutes ou des interrogations concernant leurs agissements. Si cela ne suffit pas à calmer les craintes, les personnalités perverses mentent sans scrupules.
2. La difficulté à démasquer un pervers
Comment le pervers s’y prend-il pour avoir une image d’homme providentiel ? Le père Laurent Lemoine offre une description éclairante, lorsqu’il observe que « le pervers dit la vérité. Et il le fait […] dans un but précis : jouir et jouir de détruire, même si cela lui prend beaucoup de temps et d’ingéniosité. […] Connaître la vérité pour s’en servir afin de nuire à autrui est une passion perverse. […] Dans un scénario complexe et ambigu, la stratégie perverse consiste à apporter un éclairage original auquel le groupe n’aura pas pensé en donnant ainsi le sentiment à tous que cet apport était indispensable pour comprendre l’essentiel qui jusque-là échappait à tous. […] L’abuseur est le spécialiste de l’effet “waouh !” auprès de son public » (5).
Les pervers possèdent un art consommé pour semer le doute et entretenir la confusion. Ainsi des responsables, des professionnels « capables habituellement de clarifier des situations complexes se trouvent démunis, bloqués. Ils ne sont pas seulement touchés émotionnellement par les révélations mais ils sont en plus pris dans une sorte de “brouillage” psychique qui les empêche de penser clairement… Le pervers utilise son pouvoir d’emprise pour introduire le doute, annihiler toute action, et protéger ses arrières » (6).
Une personnalité perverse est difficile à repérer car elle camoufle toujours ses intentions profondes. Est à l’œuvre un mécanisme défensif particulier, le clivage : une partie de la psyché reconnaît la réalité et une autre partie la nie, sans qu’il y ait d’influence d’une partie sur l’autre. On repère ici une manifestation fréquente de ce clivage : un pervers peut décrire un agissement cruel sans manifester aucune émotion. Pour une personne dite “normale”, il est toujours déroutant d’être confronté à une telle dissociation dont l’individu n’a pas toujours conscience. « Le sujet pervers ne ressent pas l’angoisse » (7).
La perversion psychologique, en tant que jouissance du mal, peut exister en chacun de nous sans faire de nous des abuseurs. Mais ce qui caractérise les abuseurs, c’est une structure gravement perverse liée à ce phénomène du clivage, c’est-à-dire le fait que la personne poursuit, de façon étanche, deux objectifs différents ou même opposés et qu’elle mène deux vies simultanées et incohérentes l’une vis-à-vis de l’autre. Elle est capable de convaincre son entourage d’agir pour le bien tout en poursuivant, de façon plus ou moins inconsciente mais non moins déterminée un objectif pervers. « Le clivage d’une personne qui a une structure perverse garantit la catastrophe pour les proies possibles qu’[elle] va croiser sur sa route » (8).
Les auteurs d’abus spirituels ont en commun d’instrumentaliser les victimes pour qu’elles deviennent complices de leurs fantasmes. Ils les enferment alors dans le mutisme, la culpabilité injustifiée et un séisme intérieur et terrifiant qui les réduit au silence. À ce contrôle manipulateur de la parole des victimes, s’ajoute une capacité étonnante à aveugler un nombre important de personnes, des communautés entières et parfois toute l’Église qui, tant qu’elle ignore leurs agissements pervers, a tendance à voir en eux des modèles, des génies, des saints, porteurs de charismes exceptionnels.
3. Pallier l’absence de sentiment de culpabilité chez le pervers
Si l’on s’en tient à la théorie analytique, la perversion s’ancre dans une non-construction du Surmoi. L’absence d’instance morale ne permet pas de réguler les pulsions, notamment sexuelles, ce qui entraîne des passages à l’acte incontrôlés. L’individu cherche à assouvir ses désirs sans tenir compte du ressenti de l’autre ni des règles sociales de base. En un même lieu et en un même instant, il peut poser un acte bienfaisant suivi d’un acte destructeur. Cette non-construction du Surmoi se manifeste également par une absence de culpabilité. Souvent le pervers ne regrette pas ses actes car « il ne voit pas où est le problème ». Il peut donner le change pour se protéger mais, fondamentalement, il ne se sent pas concerné et ne peut assumer les conséquences de ses choix. Cette absence de culpabilité conduit très souvent à une impossibilité de soins psychiques donc de guérison. La réalité conduit des spécialistes à cette constatation : « La récidive est la règle » (9).
S’il n’est pas possible de les soigner, il est nécessaire de les cadrer fermement en les confrontant à la rigueur de la loi (droit pénal, droit canonique…). Comme le surmoi intérieur n’est pas opérant, il devient indispensable, car ils sont dangereux, de les contenir par une sorte de surmoi externe.
Cet encadrement social protège de futures potentielles victimes. Pour les pervers, la confrontation aux interdictions d’exercice, aux peines d’emprisonnement peut être une étape vers une réelle prise de conscience, au plan humain comme spirituel.
Pour les responsables, il convient de ne jamais rester seul lorsqu’il y a suspicion d’agissements pervers. Les décisions sont à prendre à plusieurs, en demandant si possible conseil auprès de professionnels spécialisés (médecins, psychologues, juristes…). Dans beaucoup d’institutions confrontées à des personnalités perverses, des procédures ont été établies (Enseignement catholique, Éducation nationale…). L’expérience montre qu’elles sont très utiles car elles permettent le discernement puis un choix éclairé dans les procédures à suivre.
La patience est une vertu bien utile dans l’accompagnement des parcours éducatifs ou spirituels mais elle n’est pas de mise avec les personnalités perverses ; elle peut même s’avérer dangereuse. En effet, les pervers sont très habiles pour laisser croire qu’ils vont s’amender, qu’ils ont besoin de temps pour s’améliorer. On leur fait confiance et d’autres victimes peuvent devenir leurs proies. Dans un passé récent, nous avons à reconnaître que notre Église, comme d’autres institutions, a souvent été prise au piège de cette manière.
En connaissant mieux le fonctionnement des pervers, il devient possible de les « contrer » et d’assurer une meilleure protection des personnes qu’ils côtoient, notamment les mineurs et les adultes fragilisés.
4. Ce qui rend quelqu’un pervers (10)
Il faut au moins la conjonction de deux facteurs pour induire la constitution d’une personnalité perverse, un seul ne suffit pas. Voici trois facteurs bien repérables :
• L’éducation est un facteur essentiel qui peut favoriser une perversion. Ne pas restreindre le désir de l’enfant, s’interdire de le frustrer comme ne pas lui apprendre le respect des règles sociales provoque chez lui une hypertrophie de ce que les psychanalystes nomment « la toute-puissance infantile ». L’enfant puis l’adolescent ne vit que selon son bon plaisir sans tenir compte du point de vue d’autrui. Toutes les éducations laxistes ne provoquent pas une structuration perverse. Il faut qu’intervienne un autre élément. Que l’un ou les deux parents se montrent fiers des larcins ou des entorses aux règlements que réalise leur enfant. Une telle attitude encourage alors le jeune à continuer à passer outre aux interdits comme à profiter sans vergogne de la candeur d’autrui.
• On note souvent un autre facteur dans l’évolution d’un jeune vers la perversité : l’identification à un adulte pervers. Ce peut être un de ses parents mais aussi un adulte référent comme un enseignant, un éducateur sportif, un maître spirituel… L’adulte pervers ressent les tendances présentes chez le jeune et le modèle pernicieusement à son image. Ce peut être aussi un adolescent plus âgé qui joue auprès d’un plus jeune un tel rôle d’initiation.
• Un autre facteur essentiel est l’existence d’un traumatisme sexuel dans son histoire personnelle. On sait que plus des trois quarts des pédocriminels appartiennent au cercle des proches du jeune abusé : parents, ami des parents, éducateur, clerc, animateur sportif ou culturel… Cette proximité induit un trouble majeur chez la victime car elle perd alors les repères qui assuraient sa sécurité intérieure et les assises de son développement. Assez souvent (30 %, voire plus) les agresseurs ont eux-mêmes été abusés sexuellement dans leur jeunesse. En s’identifiant à leur agresseur, en ne pouvant se déprendre du mode relationnel qu’on leur a fait subir, ils reproduisent la situation d’emprise en tenant, cette fois-ci, un rôle actif et non plus passif. Bien évidemment et heureusement tous les abusés ne deviennent pas agresseurs sexuels.
Le pervers est un être humain marqué par le mal. On ne sait pas très bien ce qui fait qu’à un moment donné, un enfant ou un adolescent bascule vers une évolution pathologique. Cela reste une énigme et varie en fonction des individus et des contextes. On peut aussi voir en lui une personne malade, avec cette difficulté qu’elle s’identifie rarement elle-même comme telle. Notre compréhension du problème, même si nous cherchons à identifier les facteurs qui éventuellement favorisent ou attirent ces pathologies, ne peut nier cette dimension pathologique, sans oublier que le déni fait partie des symptômes de la pathologie des pervers.
Une approche psychiatrique du problème est ainsi nécessaire, mais insuffisante. À l’égard des victimes comme pour l’évolution personnelle du coupable lui-même, l’approche juridique est nécessaire également pour objectiver des faits et prendre la mesure des injustices commises, ce que le pervers n’est pas capable d’identifier lui-même. L’approche morale doit prendre tous les éléments en considération et considérer tout autant la responsabilité morale communautaire de l’ensemble de l’Église.

(1) Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie. La CIM-10 : Classification internationale des maladies, cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_diagnostique_et_statistique_des_troubles_mentaux

(2) Gérard Pirlot, Jean-Louis Pedinielli, Les perversions sexuelles et narcissiques, Armand Colin, 2006.

(3) Id., ibid.

(4) Jean-Luc Pilet, Catherine Guihard, Agnès Obringer, Daniel Brice, Intervenir en situation de violence, Chronique sociale, 2015.

(5) Laurent Lemoine, Désabuser. Se libérer des abus spirituels, Salvator 2019, p. 33 et 34.

(6) Jean-Luc Pilet, Catherine Guihard, Agnès Obringer, Daniel Brice, Intervenir en situation de violence, p. 4.

(7) Laurent Lemoine, Désabuser. Se libérer des abus spirituels, p. 29.

(8) Id., ibid., p. 29.

(9) Frédérique Guyer, Martine Fadier-Nisse, Pierre Sabourin, La violence impensable, Nathan, 1991, p. 253.

(10) Ce paragraphe s’appuie sur les pistes données par Jean-Luc Pilet, psychologue spécialiste des questions de maltraitance. Il intervient dans le cadre d’une cellule d’écoute ecclésiale. Il y a observé une cinquantaine de cas.
2. Pourquoi des perversions si fréquentes dans l’Église ?
3. Actes de perversion et devoir envers les victimes, quel discernement moral ?
4. L’arbre aux racines mauvaises et aux bons fruits, approche biblique et spirituelle
5. Prolongement
Abus – “Agir au regard du réel, démasquer les faux discours” et “poursuivre la recherche de la vérité”
Avant-propos
L’arbre et ses fruits
En complément
La Doctrine de la foi met à jour son “Vademecum” sur les abus sexuels sur mineurs commis par des clercs (juin 2022)
Autour du rapport de la Ciase (octobre-novembre 2021)
Remise du rapport de la Ciase le 5 octobre 2021 : documents et prises de parole
Le drame des abus dans l’Église, le dossier de La Documentation catholique (2019)
Mai 2019 – Motu proprio du pape François “Vos estis lux mundi”
Février 2019 : Discours et textes lors du sommet au Vatican “La protection des mineurs dans l’Église”
La lettre du pape François au Peuple de Dieu sur les abus sexuels dans l’Église (2018)
Le pape François à la Commission pour la protection des mineurs : “l’Église entend appliquer le principe de la « tolérance zéro »” (2017)

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